Le colonel Meynier, "A propos des raids transsahariens", Revue militaire française, n° 53, 1er novembre 1925, p. 231-232 :
"Le succès des Anglais sur la frontière libyque [face aux Sénoussis] avait été rendu plus facile et plus décisif par le manque de coordination des attaques que les alliés de l'Allemagne avaient projetées de part et d'autre de la Basse-Egypte. La IVe armée turque de Djemal Pacha, après son insuccès du lac Timsah, n'avait pu, en effet, arriver à se réorganiser. Toutes les disponibilités des Turcs en Asie se trouvaient absorbées dans ce même temps par leur résistance victorieuse à Gallipoli (évacuation de la presqu'île par les alliés en janvier 1916), par leurs campagnes en Arménie contre l'armée russe, par leur réaction sur le Chatt-el-Arab contre les forces anglaises de Mésopotamie. Sur ce dernier théâtre d'opérations, l'Angleterre, inquiète pour la possession des bouches du Chatt-el-Arab par où elle redoutait de voir déboucher la menace du chemin de fer allemand de Bagdad, avait dirigé, au milieu de 1915, une division indienne.
Le général Townshend qui la commandait n'avait rencontré d'abord devant lui que de faibles contingents et avait pu progresser sans peine jusqu'au confluent de Korna et jusqu'à Kut-el-Amara.
Mais peu à peu la résistance des Turcs s'était accentuée. Une IVe [VIe] armée turque commandée par Von der Goltz venait d'être constituée devant lui. On se souvient que le général Townshend fut battu, le 22 novembre 1915, à Ctésiphon et que sa petite armée fut ramenée peu après dans les murs de Kut-el-Amara où elle fut étroitement bloquée. Toutes les tentatives faites par les Anglais pour la débloquer demeurèrent vaines. Le 29 avril 1916 le général anglais fut contraint de capituler.
Fort heureusement pour les Anglais, la disparition de Von der Goltz, qui mourut peu de temps après ce triomphe [il est en fait mort avant], priva Enver Pacha d'un précieux conseiller."
Le lieutenant-colonel Mayer, " « Le Colonel Lawrence » et « la Guerre moderne » ", Revue militaire française, n° 177, volume 59, mai 1936, p. 322 :
"Au printemps de 1916, il [Lawrence] fut chargé de négociations au sujet de l'occupation d'Erzeroum par l'armée russe du Caucase, et le succès qu'il obtint dans cette affaire engagea le War Office à l'envoyer en Mésopotamie pour y préparer l'impression de cartes de la région destinées au corps expéditionnaire, et pour diriger les levers de terrain par avions, méthode dans laquelle il était expert et qui était inconnue des topographes aux Indes. Mais, à cette mission ostensible et officielle, s'en ajoutaient deux autres, secrètes, celles-là. D'une part, il était chargé, par le ministère, d'obtenir que le corps Towsend [Townshend], assiégé dans Kut-el-Amara par l'armée turque de Khalil Pacha, sortît de la place avec les honneurs de la guerre. D'autre part, il s'était promis d'examiner les moyens de fomenter une révolte parmi les tribus arabes voisines des lignes de communications turques, afin de couper les assiégeants de leur ravitaillement et des renforts qui pourraient leur être envoyés.
Ni l'un ni l'autre de ces projets ne réussit : Khalil-Pacha ne se laissa pas fléchir, malgré les grosses sommes qui lui étaient offertes. Quant à l'idée de faire appel au concours des Arabes, elle fut dédaigneusement repoussée par les officiers anglais peu disposés à accepter la coopération d'indigènes qu'ils méprisaient."
"Echos", La Voix du combattant, 31 août 1935, p. 2 :
"UNE MISE AU POINT HISTORIQUE
Pendant la grand'guerre l'ex-général turc Halil Pacha, le vainqueur de Kut-El-Amara, avait réussi à faire prisonnier le général anglais Townsend au front Bagdad.
Dans une déclaration faite a la revue turque Persembe, Halil Pacha confirme avoir reçu l'offre d'une somme de 2 millions de livres mais non, comme le disent quelques journaux européens, de la part de l'espion Lawrence, mais du général Townsend lui-même, pour sa mise en liberté personnelle, pendant le siège de Kut-el-[Amara]"
"Les Opérations", Journal des débats politiques et littéraires, 4 mai 1916, p. 2 :
"LA GUERRE COLONIALE
En Perse et en Mésopotamie
"Londres, le 2 mai. — Communiqué officiel. — Le général Lake signale qu'une petite force britannique est sortie le 29 avril de Bushire et a attaqué des troupes ennemies fortement retranchées dans les environs. L'ennemi a été rapidement chassé de ses positions. Les troupes britanniques sont rentrées ensuite à Bushire sans aucun incident.
Les pertes anglaises sont de un officier britannique tué et un soldat indien blessé. On vient de recevoir une lettre en date du 1er mai adressée par le commandant en chef des troupes turques, Khalil Pacha, lequel déclare accepter de faire l'échange des malades et blessés du général Townshend contre un nombre égal de prisonniers musulmans et turcs.
Des navires hôpitaux et autres vaisseaux ont été envoyés pour commencer l'évacuation des prisonniers britanniques. [Bouchir, sur le golfe Persique, est un des ports par lesquels le sud de la Perse exporte ses produits agricoles.]
En Afrique orientale
Londres, le 2 mai. — Communiqué officiel. — La saison des pluies qui vient de commencer est marquée par des averses d'une grande violence.
L'ennemi occupe une forte position sur la colline au sud-est de Kondoa-Irangi.
Les pluies torrentielles retardent les mouvements des troupes belges dans le Ruanda.
Le roi George a adressé le télégramme suivant au commandant du corps expéditionnaire du Tigre :
« Bien que vos vaillantes troupes n'aient pas pu avoir la satisfaction de délivrer leurs camarades assiégés dans Kut-el-Amara, elles ont, sous votre habile commandement, et celui des officiers sous vos ordres, combattu avec une grande bravoure et une grande détermination, dans les conditions les plus pénibles. Ce sont les inondations et le mauvais temps, et non pas les ennemis [sic] que vous aviez résolument refoulés, qui vous ont interdit l'exploit de la délivrance de Kut.
» J'ai suivi vos efforts avec admiration et je sais que vous avez fait tout ce qui était, humainement possible et que vous continuerez de faire de même dans les futures rencontres avec l'ennemi. »
A ce sujet, il est intéressant de faire remarquer que les travaux fort avancés du chemin de fer de Bagdad facilitent considérablement le ravitaillement des forces turques qui ont opéré contre le général Townshend et qui opèrent maintenant contre l'armée de secours envoyée par les Anglais.
La revue technique allemande Prometheus annonce, en effet, qu'entre Konia (terminus de la ligne qui vient du Bosphore) et Bagdad, 1,802 kilomètres de chemins de fer sont actuellement en exploitation, sur 2,345 qui étaient à construire. Les deux lacunes qui existent encore se trouvent, l'une entre Dorak et Karabouna (42 kilomètres) dans les montagnes du Taurus, et l'autre (591 kilomètres) entre Raseltine et Samara dans le nord-ouest de la Mésopotamie. Ces deux lacunes sont sillonnées de bonnes routes. Les Allemands assurent qu'ils ne construiront pas pendant la guerre le tronçon Rasoltine-Samara. Quoi qu'il on soit, avec le chemin de fer et l'Euphrate navigable, l'armée turco-allemande possède une excellente ligne de ravitaillement jusqu'à Bagdad."
Sur le général Halil Paşa : Le général Halil Paşa (oncle d'Enver) et les Arméniens
Cevdet Bey (beau-frère d'Enver) à Van : un gouverneur jeune-turc dans la tempête insurrectionnelle
Sur le général Townshend : Enver Paşa (Enver Pacha) et la captivité du général Charles Townshend
Halil Bey Menteşe et les Arméniens
Voir également : Les ressources humaines dans l'Empire ottoman tardif : d'Abdülhamit II aux Jeunes-Turcs
L'officier français Auguste Sarrou : un témoin de premier plan de la révolution jeune-turque
Le "culte" de Pierre Loti dans l'armée ottomane
Les réformes d'Enver Paşa (Enver Pacha) à la tête du ministère de la Guerre
Enver Paşa (Enver Pacha) et la réforme du couvre-chef
Enver Paşa (Enver Pacha) et la réforme de la langue (écrite) ottomane
Enver Paşa (Enver Pacha) et Mustafa Kemal, deux géants du peuple turc
Le général Friedrich Bronsart von Schellendorf et les Arméniens
Les relations entre Hans von Seeckt et Enver Paşa (Enver Pacha)
Enver Paşa (Enver Pacha) dans les souvenirs du maréchal Hindenburg
24 avril 1915 : l'arrière-plan géostratégique d'une descente de police
La victoire germano-ottomane de Gallipoli/Çanakkale
La précocité du nationalisme turc de Mustafa Kemal