
"Pologne et Dantzig", Bulletin périodique de la presse turque, n° 130, 4-6 septembre 1939, p. 12 :
"Le général en retraite Erkilet étudie, dans Son Posta du 11-8, la question de Dantzig.
...Il ne reste au Reich qu'à choisir entre deux solutions : renoncer à ses revendications ou prendre en considération qu'il lui faudra combattre sur deux fronts s'il s'avisait de s'emparer par la force des territoires réclamés. Or, jusqu'à présent, le Reich n'a adopté aucune de ces deux solutions."
"Les troupes finlandaises maintiennent intactes leurs lignes de défense : Les pièges à mines ont fait une hécatombe de tanks soviétiques", Beyoğlu, 4 décembre 1939, p. 1 :
"LE MOUVEMENT TOURNANT SOVIETIQUE
Dans un remarquable article qu'il a publié dans le « Son-Posta » d'hier le général Hüsnü Erkilet écrit notamment :
« L'armée soviétique qui, entre le lac Ladoga et le golfe de Finlande, a avancé jusqu'à la ligne fortifiée Mannerheim a tenté de la déborder par un mouvement tournant, au Nord du lac Ladoga. Elle s'efforce aussi de neutraliser la ligne en question en débarquant en arrière de celle-ci, par le Sud, à 40 km. au Sud de Viborg (Viipuri) et à droite en arrière de la ligne fortifiée, au petit port de Bjorkö ou Koivisto. Le fait est que ces positions ne pourront pas être réduites si elles ne sont pas contournées. Mais, suivant les nouvelles de source finlandaise, tous les mouvements tentés par la flotte soviétique le long du littoral du golfe de Finlande ont été neutralisés et arrêtés. De même, au Nord du lac Ladoga l'action soviétique s'est heurtée à une violente résistance.
... La Russie Soviétique cherche à miner la Finlande non seulement militairement mais aussi politiquement. C'est pourquoi elle a proclamé qu'elle ne reconnaît plus le gouvernement finlandais légal. Les Russes reconnaissent, par contre le gouvernement de pantins créé par eux à Terijoki, localité qu'ils ont occupée le second jour des opérations.
Bref, la Finlande lutte aujourd'hui pour son indépendance et sa liberté et l'opinion publique du monde entier est de son côté. On ne saurait prévoir dès à présent le résultat de cette lutte et l'on ne saurait dire qu'une petite nation de 3,7 millions d'habitants est condamnée à être vaincue à tout prix par une nation de 170 millions d'habitants. Il y a en effet beaucoup d'éléments naturels que moraux qui combattent pour la Finlande. » "
"La guerre de Finlande ne sera ni une promenade militaire ni une guerre-éclair : Un remarquable article du général Erkilet", Beyoğlu, 6 décembre 1939, p. 1 :
"Le général Hüsnü Emir Erkilet écrit dans le « Son Posta » d'hier :
« La Finlande peut tout perdre, sauf l'honneur » ; ce sont là les paroles du commandant en chef des forces finlandaises, le général Mannerheim. Mais je suis sûr désormais que tous les officiers finlandais, tous leurs soldats et la nation entière pensent et sentent comme lui. S'il en eut été autrement, ni la petite Finlande n'eut osé envisager une guerre contre la grande Russie, ni elle n'aurait opposé sa résistance actuelle à un adversaire plusieurs fois plus fort qu'elle.
Le bilan des opérations
Voici le cinquième jour également de guerre russo-finlandaise qui s'est écoulé : la Finlande est toujours debout. Le communiqué du grand quartier général soviétique lui-même annonce que tout ce que l'on a pu prendre en 5 jours, ce sont les 2 petites îles de Suursari et Lavansari et quelques récifs dans le golfe de Finlande, ainsi que quelques kilomètres de territoire évacués volontairement par les Finlandais en se repliant sur leurs lignes fortifiées. Toujours d'après le rapport russe, la plus grande avance réalisée par les Russes dans la région au Nord du lac Ladoga est de 40 km.
On voit donc que tout ce que l'armée russe est parvenue à réaliser en 5 jours de bataille, c'est la conquête du terrain laissé par les Finlandais en avant de leurs lignes — avance qui ne saurait avoir aucune influence sur le cours de la guerre. Et cette avance, pourtant si restreinte, a été réalisée au prix de pertes très lourdes infligées aux Soviéts par les arrières-gardes finlandaises qui reculaient pas à pas en réalisant de redoutables concentrations de tir, en utilisant très habilement les accidents du terrain et les constructions, en faisant un emploi intensif des mines et des pièges à tanks.
Nos frères Finlandais ont réalisé dans l'isthme, au Nord du lac de Ladoga et enfin dans l'Extrême Nord, dans la zone de Petsamo une résistance et des mouvements militaires magnifiques. Ils se battent comme des Turcs.
La perte de Petsamo, après sa brillante reconquête, ne saurait avoir la moindre influence sur la résistance générale de la Finlande. Et je ne crois pas que les Finlandais commettent l'erreur stratégique des Polonais, qui consiste à défendre avec des forces importantes des objectifs d'une portée purement locale. Un soldat expérimenté comme Mannerheim ne ferait pas cela ! C'est pourquoi nous pouvons attribuer la résistance finlandaise à Petsamo à l'opposition des forces locales et à la réaction follement téméraire de la population. Nous apprenons que dans l'isthme, les Finlandais combattent encore devant leurs positions principales. Etant donné que celles-ci sont à 30 ou 40 km. à l'ouest de la frontière et que le champ battu par leur artillerie est d'au moins 10 km. nous en déduisons que les Russes, ici, ils n'ont même pas avancé de 20 km.
Conclusions d'ensemble
Il résulte de tout cela que l'armée finlandaise est excellente et les stratèges qui la dirigent sont à la hauteur de leur tâche. Le sentiment qu'ils défendent leur existence nationale anime, par surcroît, les combattants finlandais et en fait une force qu'il ne serait pas facile de vaincre. Helsinki peut être anéantie par les bombes d'avions ; les belles villes finlandaises, les fabriques et les oeuvres de culture et de civilisation peuvent servir d'aliment aux bombes incendiaires. Mais l'on voit que l'armée finlandaise et le moral du peuple finlandais ne sauraient être ébranlés par de pareilles choses.
En tout cas la guerre de Finlande ne sera ni une promenade militaire ni une guerre-éclair. Même si les Finlandais doivent être finalement vaincus, cette guerre sera très sanglante et très longue. C'est pourquoi il est impossible d'en prévoir dès à présent le développement et l'issue. Si cette guerre s'aggrave, elle pourra avoir des conséquences très désagréables. Il convient donc d'attendre, pour en connaître les développements ultérieurs et voir quelle sera l'ampleur de l'aide que la Finlande pourra recevoir des pays scandinaves.
Le côté moral
Le recours du gouvernement finlandais à la S. D. N. a une valeur surtout politique. Il ne saurait avoir aucune influence pratique ni sur la résistance finlandaise, ni sur les plans d'agression et de conquête actuelle de la Russie. Mais ce n'est évidemment pas une petite chose que d'obtenir une bonne presse dans le monde entier, de conquérir les coeurs et les esprits. C'est même là beaucoup, pourrait-on dire....."
"L'opinion du général Erkilet : Les Alliés doivent se hâter", Beyoğlu, 16 avril 1940, p. 1 :
"Commentant l'attaque anglaise contre Narvik, le général H. E. Erkilet constate dans le « Son Posta » que la destruction des destroyers allemands ne suffit pas. Une fois ces forces navales mises hors de cause, il faut y débarquer des troupes et capturer les troupes allemandes qui s'y trouvent isolées.
« Toutefois une action des Alliés en ce sens même couronnée de succès ne saurait avoir une répercussion décisive sur les destinées de la Norvège et sur celles de la guerre. Car Narvik est à l'extrême Nord de la Norvège. Et par dessus le marché, il n'existe même pas de routes qui relient ce port au Sud. C'est à dire que le territoire norvégien ne peut être conquis en partant de Narvik ni débarrassé de troupes allemandes. Néanmoins, en se rendant maîtres du coin septentrional du pays, les Alliés pourront offrir aux Norvégiens un point d'appui moral. En outre, c'est là une excellente base aérienne et navale pour des opérations ultérieures vers le Sud, dans la direction de Trondheim et Bergen... »
Le chroniqueur militaire de l'importante feuille du soir constate que les Allemands ont dû certainement recevoir beaucoup de renforts, ce qui explique l'extension de leur occupation dans la région de Christiansand et d'Oslo. Il sera plus difficile d'en faire parvenir aussi aux garnisons qui tiennent Bergen et Trondheim. C'est qui ne signifie pas que cela soit impossible, notamment par voie de mer et par voie aérienne.
C'est pourquoi, conclut le général H. Erkilet, les Alliés doivent se hâter."
"Les troupes alliées, écrit le général Erkilet, ont inscrit une page brillante dans l'histoire militaire", Beyoğlu, 31 mai 1940, p. 1 :
"Dans son bulletin quotidien du « Son-Posta », le général Hüsnü Emir Erkilet écrit :
La situation ne présente pas de changements notables. La plus grande partie des troupes alliées qui, sous le commandement du général Blanchard reculent vers la mer, ont créé une ligne de résistance qui va, en Belgique, depuis Nieuport à l'ouest d'Ostende le long de l'Yser, passe au nord d'Ypres et atteint Gravelines par Cassel et Wormhond.
La localité de Bailleul, au sud de la ligne Cassel-Ypres, qui est occupée par les Alliés, vraisemblablement en vue d'établir le contact en direction de Lille a été réduite par des attaques déclenchées par les Allemands de part et d'autre de la ville. Les Allemands annoncent qu'à cette occasion des éléments alliés ont été encerclés.
Suivant les Allemands, les Alliés ont continué à se rembarquer à Dunkerque à la faveur de la nouvelle ligne qu'ils ont constituée, mais en s'exposant aux attaques aériennes allemandes.
Les Allemands annoncent aussi que, sur la Somme, une attaque des chars armés français a été repoussée. Des concentrations alliées ont été bombardée et mitraillées au sud-ouest d'Amiens, dans des forêts.
COUP D'OEIL D'ENSEMBLE
La constitution par les Alliés d'un nouveau front adossé à Dunkerque et appuyé sur le flanc par l'Yser et sa défense énergique présentent deux avantages considérables :
1. — Elle permet aux forces devant se rembarquer de le faire autant que possible en bon ordre et avec peu de pertes.
2. — Elle permet de retenir un grand nombre de forces allemandes sur le front du nord et offre au général Weygand la possibilité de gagner du temps pour procéder à ses regroupements et à ses concentrations dans le sud.
Nous ignorons dans quelles conditions les Alliés ont constitué ce nouveau front et quelles sont les forces chargées de le maintenir. En tout cas le fait qu'ils aient pu maintenir ici la liaison avec l'Angleterre constitue pour eux un grand avantage. Que les armées du général Blanchard aient pu constituer un couloir, depuis la zone de Valenciennes jusqu'à la mer et opposer, sur tout ce parcours, un mur aux attaques violentes venant de l'Est et de l'Ouest, c'est là un événement sans précédent dans l'histoire. Cette opération est d'autant plus remarquable qu'elle s'est produite après la reddition de la Belgique.
Les forces alliées ont inscrit ainsi dans l'histoire militaire une page honorable et pleine d'enseignements."
H. Emir Erkilet, Son Posta, 10 décembre 1940 :
"L'armée grecque [résistant à l'invasion italienne] a arraché l'admiration du monde entier. Elle peut être fière d'elle."
"Chronique militaire : L'invasion de l'Angleterre est-elle possible ? Par le général H. E. Erkilet", Beyoğlu, 11 août 1941, p. 1 et 4 :
"Le général H. Emir Erkilet écrit dans le « Cumhuriyet » :
L'été dernier, les Allemands avaient percé, brisé et mis en pièces avec une si grande et si étourdissante rapidité les fronts de Hollande, de Belgique et de France, qu'après la reddition des deux petits pays de l'Europe nord-occidentale, la France elle-même s'était vue dans l'obligation de déposer les armes. Toutefois, en dépit du fait que les dix divisions (environ 150.000 hommes) que l'Angleterre avait envoyées en France septentrionale et en Belgique fussent totalement défaites et se fussent réfugiées de Dunkerque dans la mère-patrie, elle ne s'est pas rendue à l'époque et, depuis, elle n'a pas renoncé à la volonté de continuer la guerre.
Dunkerque
Cela est dû au fait que l'Angleterre est une île et qu'elle dispose d'une flotte extrêmement puissante.
L'Angleterre n'a jamais couru un danger aussi grand qu'au moment de la retraite de Dunkerque. Si les Allemands eussent été prêts à l'époque, s'ils avaient traversé la Manche en même temps qu'eux à la faveur de leur confusion, d'aucuns affirment qu'ils auraient pu ainsi envahir l'Angleterre.
Mais les Allemands se sont tus à ce propos. Et les Anglais ont jugé bon de laisser à l'histoire le soin d'examiner si l'occupation de leur île aurait été possible à ce moment. (...)
Préparatifs minutieux
Les défenses de côte ont été complétées de façon à pouvoir déjouer toute tentative de débarquement sur le littoral de la Manche ou sur celui qui fait face à la Norvège. Des fortifications ont été érigées tout le long du littoral, des batteries ont été installées et des milices locales ont été affectées au service des pièces.
En outre, des forces de réserve locales ont été constituées dans tous les secteurs, prêtes à agir rapidement dans toutes les directions. Ces réserves se composent à la fois de troupes transportées par auto, de fantassins et de formations blindées.
Enfin, les ouvrages de défense des côtés sont complétés par des escadrilles de reconnaissance et de combat. Depuis que l'on s'est rendu compte que les barrages de ballons ne constituent pas une protection suffisante, on s'est efforcé de constituer une défense aérienne basée sur les avions de chasse et de combat, les fusils et les canons de la D.C.A.
On a tiré profit également au maximum des enseignements de la guerre en Crète et c'est ainsi que la défense de la Grande-Bretagne a été portée, tout naturellement, à son degré le plus élevé.
Pour que le Reich passe à l'action
Malgré tout cela, ainsi que l'a déclaré récemment encore M. Churchill, l'explosion des hostilités germano-soviétiques ne signifie pas que le danger d'invasion de l'Angleterre ait disparu. Car de même que le contre-blocus allemand (c'est-à-dire la bataille de l'Atlantique) qui a commencé en Mars, a assumé une violence accrue depuis Avril et continue à l'heure actuelle, l'activité aérienne tendant à faire crouler les centres de l'industrie de guerre anglaise, à détruire les divers objectifs militaires importants tels que les aérodromes et les ports de ravitaillement se poursuit.
Suivant certaines suppositions, les forces destinées par l'Allemagne à l'invasion de l'Angleterre seraient à pied d'oeuvre, prêtes à entrer en action, en Norvège et en France septentrionale et Nord Occidentale. Mais on ne saurait affirmer que ces assurances ne sont pas exagérées et mêlées d'utopie.
La vérité est que les Allemands, tant qu'ils n'auront pas achevé avec succès la campagne de Russie, n'entreprendront pas l'invasion de l'Angleterre. Car l'armada aérienne allemande, qui est avant tout nécessaire pour réaliser l'invasion de l'Angleterre, est engagée actuellement en grand en Russie. Et elle y sera occupée jusqu'à la fin de la présente guerre.
En outre, pour que les Allemands entreprennent l'invasion de l'Angleterre, il faut qu'ils aient aussi terminé victorieusement non seulement la campagne de Russie mais aussi la bataille de l'Atlantique. Car ils savent mieux que personne que si cette bataille gigantesque qu'ils mènent depuis cinq mois s'achève par une victoire, il leur sera beaucoup plus facile d'envahir une Angleterre qui serait à court de vivres, d'armes et de matériel et partant épuisée.
En fait, tant que quelques millions de soldats, des centaines et des milliers de canons et de tanks seront disponibles et indemnes, en Angleterre, l'invasion ne serait pas chose facile. Il est évident d'autre part que l'Allemagne n'entreprendrait pas une initiative destinée à échouer.
L'Amérique, suprême soutien
Telles sont les raisons pour lesquelles cette invasion que M. Churchill attend d'un moment à l'autre ne se produit toujours pas. Néanmoins, l'Angleterre qui ne parvient même pas à remplacer le tiers des bateaux qui sont coulés quotidiennement dans l'Atlantique, se rend parfaitement compte de la gravité et du sérieux de la situation. Elle compte, en même temps que sur son propre effort, sur l'aide de l'Amérique. Car il y a en Amérique une majorité dans les assemblées délibérantes qui est convaincue de la nécessité d'aider jusqu'au bout l'Angleterre et il y a à sa tête une personnalité très forte telle que M. Roosevelt. C'est pour cette raison que, surtout depuis la défaite de la France, l'Amérique a développé au maximum la production du matériel de tout genre, des canons, des bateaux de commerce et de guerre et tout en accroissant ses envois à l'Angleterre elle s'efforce de créer, pour elle-même, une grande armée de terre et de l'air et une seconde flotte.
On se rend compte que, sans l'appui matériel et moral des Etats-Unis, qui est très considérable, il y a bien longtemps peut-être que l'Angleterre aurait courbé la tête. C'est parce qu'ils redoutent cette éventualité que les Etats-Unis la soutiennent, de toutes leurs forces. Comme s'il ne suffisait pas de céder gratis et avec un crédit illimité à l'Angleterre tout le matériel dont elle a besoin, ils s'efforcent de porter par leurs propres moyens ce matériel jusqu'aux abords de son île. C'est dans ce but que les Etats-Unis d'Amérique ont occupé le Groenland et l'Islande, y ont constitué des bases et, de cette façon, accroissent de façon constante leurs secours à la Grande-Bretagne.
H. EMIR ERKILET"
Jean Helleu (ambassadeur de Vichy à Ankara), dépêche n° 62 à l'amiral Darlan, 3 décembre 1941, source : André Kaspi (dir.), Documents diplomatiques français, série : "1939-1944", volume 5 : "Vichy (1er janvier-31 décembre 1941)", Bruxelles, Peter Lang, 2015, p. 1014-1015 :
"(...) malgré l'importance des victoires remportées par la Wehrmacht au cours des mois de septembre et d'octobre, la presse ne se montra pas à nouveau unanimement certaine de la victoire allemande en Russie, comme elle l'avait été au début du mois de juillet. L'ambassade d'Allemagne manifesta d'ailleurs à ce moment ouvertement un certain mécontentement de ce que les journaux ne faisaient pas suffisamment ressortir les succès germaniques et c'est une des raisons qui l'incitèrent à inviter des critiques militaires turcs à visiter le front de Russie (mon télégramme nos 1686-1687)3. Cette invitation n'amena toutefois pas le résultat escompté par le commandement allemand. Mon télégramme nos 1968-19724 a indiqué au Département que tant le général Ali Fouad Pacha [Ali Fuat Erden] que le général Erkilet n'avaient pas rapporté du front de Russie la bonne impression que le commandement allemand aurait voulu faire naître chez eux. Malgré tous les compliments que le général Erkilet a décernés à la Wehrmacht dans les articles où il narre son voyage au front, il n'a néanmoins pas caché, dans un article du 20 novembre, qu'à son avis la guerre germano-russe durerait « au moins jusqu'à l'automne 1942 ».
Quant à Ulus, qui reflète toujours la pensée du gouvernement, il se montrait à nouveau persuadé de la durée de la résistance russe et il écrivait le 20 octobre : « Les Allemands devront continuer la guerre au printemps et même pendant l'été car ils n'ont pas pu réaliser leur véritable objectif qui est l'anéantissement des armées soviétiques... Bref, le plan allemand qui visait à liquider les opérations en Russie a échoué. Et quel que soit le sort de Moscou, une campagne d'hiver dans les plaines glacées de ce pays est un fait accompli ». Ce journal reprit ensuite plusieurs fois ce thème, faisant ressortir le bénéfice que l'Angleterre retirait de la résistance russe. Il montra également que la reconnaissance de l'Angleterre devait aussi s'adresser à la Yougoslavie et surtout à la Grèce qui, en entrant en guerre, avaient retardé l'attaque allemande contre la Russie. « Si l'Allemagne avait pu commencer plus tôt sa campagne, écrivait le rédacteur en chef d'Ulus, M. Falih Rifki Atay le 15 novembre, elle aurait pu se trouver à l'automne au Caucase et peut-être même à ce moment descendre en Mésopotamie ». Et M. Atay concluait ainsi : « Une des plus grandes difficultés pour l'Allemagne sera, après une expédition si difficile, aussi longue et coûteuse en hommes, de s'opposer aux forces conjuguées de l'Amérique et de la Grande-Bretagne ».
C'est une opinion analogue que l'on entend exprimer au ministère des Affaires étrangères où, depuis quelques semaines on paraît certain d'une longue résistance russe (mon télégramme nos 1906-1907). Aussi les Turcs montrent plus qu'au cours des derniers mois la sympathie qu'ils gardent au fond du coeur pour la cause de l'Angleterre. Un certain nombre de petits faits a récemment fait ressortir cet état d'esprit : c'est le remplacement de deux ministres, dont l'un était réputé pour sa germanophilie, par des hommes de réputation plutôt anglophile ; c'est le remplacement, pour quelques semaines en principe, il est vrai, du Président du Conseil, parti en congé, par l'anglophile M. Saradjoglou ; c'est une série de manifestations anglophiles, expositions de livres, conférences, matchs de football, auxquels assistent chaque fois les principales personnalités politiques du pays. C'est enfin la sympathie non voilée avec laquelle sont suivies ici les opérations britanniques en Afrique. (...)
3 T. nos 1686 à 1687 d'Ankara en date du 5 octobre 1941, par lequel l'ambassadeur informe de l'invitation faite par le gouvernement allemand à deux généraux turcs « rédacteurs militaires de grands quotidiens d'Istanbul » de visiter le front oriental. Le gouvernement turc n'a autorisé que le général en retraite Emir Erkilet, collaborateur du germanophile Cumhurriyet, à profiter de l'invitation et a désigné un général d'active, Fouad Pacha, directeur de l'Ecole de guerre, pour cette visite du front germano-russe. Selon J. Helleu, il y a dans cette désignation un double souci : 1) chercher à profiter pour l'instruction des cadres des dernières expériences de la guerre ; 2) obtenir sur la situation militaire du front des informations recueillies par un officier ayant la confiance de l'Etat-Major. » (Guerre 1939-1945, Vichy, E Levant, Turquie, 127, document non reproduit).
4 T. nos 1968 à 1972 d'Ankara en date du 20 novembre 1941, et revenant sur la visite des deux généraux turcs sur le front germano-russe (voir note précédente). A la fois admiratif de l'armée allemande et impressionné par la résistance soviétique, le général Erkilet aurait déclaré dans une conversation privée avec un de ses compatriotes : « J'ai recueilli de mon voyage [...] une impression analogue à celle qu'avait retirée Mustapha Kémal en mars 1918, au cours de sa visite sur le front allemand où lui aussi avait été invité par le haut commandement allemand. Ce que j'ai vu ne m'a pas donné le sentiment qu'on avait voulu faire naître en moi. » L'ambassadeur estime cependant que les « prévisions du général Erkilet ne sont pas infaillibles », lui qui en juin dernier, « limitait à quelques semaines la résistance russe », et qui n'a pas visité le front côté russe. Mais Ali Fouad aurait aussi « recueilli de son voyage une impression plutôt favorable aux Russes », du fait des pertes allemandes qu'il évalue à 2 millions d'hommes et de la longueur des communications entre le front et l'arrière. (Guerre 1939-1945, Vichy, Z Europe, URSS, 837, document non publié)."
"Les milieux allemands du sud-est européen sont réservés", France (Journal quotidien paraissant à Londres avec le patronage de l'Association des Français de Grande-Bretagne), n° 592, 23 juillet 1942, p. 1 :
"Notre confrère Géraud Jouve télégraphie d'Istamboul à l'Agence Française Indépendante : (...)
“ Au sujet de la Russie, les commentateurs turcs germanophiles tels que le général Erkilet, deviennent également plus prudents et évitent d'anéantir prématurément les armes russes. ” "
"Après les entretiens anglo-turcs : La Turquie est inquiète des projets anglo-américains", L'Œuvre, 4 février 1943, p. 2 :
"Les visées russes
La Turquie, dont la position de neutralité été nettement réaffirmée récemment par ses hommes d'Etat responsables, a, en effet, tout lieu d'être inquiète des projets que Londres et Washington échafaudent dans les Balkans, projets qui tendent notamment à ouvrir la porte du Sud-Est européen.
Pour s'en rendre compte, il suffit de lire l'article que Constantin Brown, collaborateur diplomatique de la Washington Tribune, vient de consacrer à ce problème.
Brown, qui, non seulement est un spécialiste dans ce domaine, mais qui est, de plus, particulièrement bien introduit dans les milieux diplomatiques anglais, et cela lui donne un certain poids, n'a-t-il pas expliqué au public américain qu'il faut comprendre les vues des Soviets sur une certaine partie de l'Europe, depuis la Pologne jusqu'à la Bessarabie, en passant par la Moravie et la Dobroudja ?
On ne peut s'empêcher, à Berlin, de rapprocher ce plan de la prétention élevée jadis par M. Molotov lors de ses entretiens avec M. Ribbentrop. On sait en effet que M. Molotov n'envisageait rien moins que les mains libres dans les Détroits.
L'armée turque est prête
Istamboul, 3 février. — Dans un article intitulé « Force de l'unité nationale », le général Erkilet, dans le journal Oumhuriyet [Cumhuriyet], parlant de la situation politique de la Turquie, souligne que, plus que jamais, l'armée turque est prête à défendre l'indépendance du pays.
Il rappelle à ce propos les paroles prononcées par le chef de l'Etat par devant l'assemblée nationale en automne dernier, selon lesquelles la Turquie était menacée. Bien que le gouvernement turc suive une politique exclusivement neutre, elle doit se tenir sur ses gardes et à l'heure actuelle, plus que jamais, il est nécessaire que l'armée turque soit prête à faire face à toute éventualité."
"L'opinion turque est nettement favorable aux Nations Unies", Le Petit Marocain, 21 février 1943, p. 2 :
"Ankara. 20 février. — Plusieurs personnalités turques appartenant aux milieux parlementaires ou militaires ont, en de nombreuses occasions, manifesté leur hostilité à une collaboration avec les pays de l'Axe. Le 9 février, le député Yalcin écrivait dans le journal « Yeni Sabel » [Yeni Sabah] : « Nous tenons à affirmer au ministre des affaires étrangères japonais que la Turquie peut se passer des conseils ou des avertissements qui lui viennent des nations voisines ou plus lointaines. Le Japon voudrait, sans aucun doute, rallier la Turquie à la bannière de l'Axe, mais, me souciant avant tout de l'indépendance de mon pays, je n'hésiterais pas, pour ma part, si un jour nous avions à choisir, à me ranger aux côtés des démocraties, connaissant trop bien le sort qui serait réservé à la Turquie dans le cas d'une victoire de l'Axe ».
Quelques jours plus tard, le même député déclarait :
« Quand les armées nazies étaient victorieuses sur tous les fronts, l'Allemagne ignorait les autres nations. Aujourd'hui, prenant pour prétexte le soi-disant « péril rouge », elle réclame à grands cris l'aide des autres nations. Que l'Allemagne se rende bien compte que pas un seul pays en Europe ne se rangera à ses côtés, car le monde tout entier n'a aucune illusion quant aux conditions qui lui seraient imposées si l'Allemagne était victorieuse ».
Le 12 février, le « Tan » commentait en ces termes l'évacuation de Guadalcanar par les troupes nippones :
« Malgré toutes les excuses que donne le Japon, la prise de cette importante position par les Américains diminue considérablement l'efficacité du système défensif des îles japonaises ».
Trois jours plus tard, après le voyage de M. Churchill à Casablanca, puis à Adana, plusieurs députés reconnaissaient que M. Churchill, par son esprit compréhensif et par sa franchise, s'était gagné la population turque tout entière.
D'autre part, le général turc Erkilet, qui avait prédit la prise d'El Alamein par les Britanniques, puis la chute de Tripoli, n'hésitait pas à écrire dans un journal pro-nazi d'Istambul qu'El Alamein, Stalingrad et Guadalcanar devaient être considérés comme les points extrêmes de l'offensive victorieuse de l'Axe."
"L'effondrement de l'Italie est très probable écrit le général turc Erkilet", L'Echo d'Alger, 22 juillet 1943 :
"Istamboul. — Le général Erkilet écrit dans un journal turc : « Même si l'Italie ne conclut pas une paix séparée l'extension de la lutte de Sicile en Italie continentale rendrait très probable son effondrement."
"Les conditions auxquelles la Turquie entrerait en guerre", La Liberté (quotidien suisse édité à Fribourg), 24 août 1943, p. 2 :
"Ankara, 23 août.
Du correspondant spécial de l'agence Reuter :
Les raids alliés en Grèce et dans les îles grecques sont suivis avec un grand intérêt à Ankara. Si les Alliés décident de reconquérir la Grèce, la question de savoir si la Turquie doit oui ou non entrer en guerre va probablement surgir à nouveau.
Si la Turquie entrait en guerre maintenant, elle se mettrait dans une position très difficile. Les forces allemandes, italiennes et bulgares occupant la Grèce et les îles proches de la Turquie, toute tentative alliée pour envoyer des convois vers Istamboul pour protéger les forces turques en Thrace serait un suicide.
Il serait également très difficile d'amener des renforts et du ravitaillement à travers l'Anatolie par l'unique voie ferrée existante.
Le résultat de ces tentatives serait une occupation allemande de la Thrace et d'Istamboul.
En conquérant le Dodécanèse, la Crète, Rhodes et les autres îles, les Alliés s'ouvriraient le chemin des Balkans, pourvu que la Turquie entrât en guerre.
Pour que la Turquie entrât en guerre, il faudrait qu'elle fût protégée contre le danger d'une invasion allemande par l'arrivée rapide des forces alliées à Istamboul.
Une des raisons qui ont empêché la Turquie d'entrer en guerre aux côtés des Alliés en 1940 était la clause du traité anglo-turc selon laquelle la Turquie déclarait ne pouvoir participer à une guerre contre la Russie. Le fait que cette dernière lutte maintenant aux côtés de l'Angleterre et de l'Amérique rend cette clause caduque. La Turquie aurait intérêt à pouvoir participer à un règlement balkanique après la guerre. Il est important pour elle d'être en bons termes avec ses voisins balkaniques, la Roumanie et la Bulgarie, qui semblent regarder vers elle pour les aider à obtenir des Alliés un traitement favorable.
Toutefois, il y a, en Turquie, un parti très fort pour la paix.
Selon le général Erkilet, correspondant militaire du Cumhuriyet, il est improbable que les Alliés attaquent la Grèce, en raison des puissantes mesures de défense prises par les Allemands.
D'autre part, le général Erkilet estime qu'il ne vaudrait pas la peine de débarquer dans le Midi de la France sans envahir en même temps le nord. Un débarquement en Norvège ne pourrait être qu'une diversion. La véritable invasion ne peut se faire que par l'Italie, les Balkans ou le nord de la France. Une fois Brindisi et Tarente en leurs mains, les Alliés seront à même de tendre la main aux patriotes de Grèce, de Yougoslavie et d'Albanie."
"Après la chute de Samos : Un commentaire turc met en relief la négligence britannique", Le Petit Parisien, 24 novembre 1943, p. 3 :
"Stamboul, 23 novembre. — Le général Erkilet parle, dans le Cumhuriyet, de l'importance stratégique des îles se trouvant devant la côte turque.
Le
général est d'avis que les Anglais ont été dernièrement coupables de
grandes négligences. Ils pouvaient facilement prendre Rhodes et mettre
de fortes garnisons dans Leros et Samos, d'où ils auraient pu menacer la
Crète et les Balkans."
Sur le général Erkilet : Ali Fuat Erden et Hüseyin Hüsnü Erkilet : d'une guerre mondiale à l'autre
Sur Fethi Okyar (dont il était l'ami) et le Parti républicain libéral (dont il était proche à Izmir) : Le sens de l'apparition du Parti républicain libéral (1930)
Les idées défendues par le Parti républicain libéral (1930)
Voir également : La Turquie kémaliste et l'Allemagne nationale-socialiste
Joseph Staline et le mont Ağrı/Ararat
L'élimination de Lev Karakhan (Karakhanian) par Staline et le refroidissement des relations turco-soviétiques
Agitation irrédentiste en Arménie stalinienne au moment du pacte germano-soviétique
Pacte de non-agression germano-soviétique : l'instrumentalisation du nationalisme arménien par Moscou
La Turquie kémaliste face à l'expansion de l'Axe dans les Balkans
La neutralité turque pendant la Seconde Guerre mondiale
Opération Barbarossa : la violente persécution de la diaspora turco-mongole par les nazis allemands
Opération Barbarossa : l'extermination partielle des prisonniers de guerre turco-mongols par les nazis
Les Azerbaïdjanais pendant la Seconde Guerre mondiale
Le maréchal Fevzi Çakmak et les Arméniens
Berlin, 1942 : rencontre entre Nuri Killigil (frère d'Enver Paşa) et Alexandre Khatissian (dachnak)
Le turcologue Gerhard von Mende et les Arméniens