"Les prisonniers alliés en Turquie et le Pape", La Croix, 15 janvier 1916 :
"Rome, 13 janvier. — L'Osservatore Romano apprend de Constantinople, le 27 décembre, que les démarches faites depuis un mois par le Délégué apostolique, Mgr Dolci, pour obtenir l'envoi d'aumôniers militaires pour l'assistance spirituelle des prisonniers de guerre français et anglais concentrés à Agionkarahissar ont atteint leur but et que le 11 décembre, deux aumôniers sont partis pour ce lieu de concentration.
En outre, avec l'autorisation d'Enver pacha, Mgr Dolci a remis à Kaarim bey [Kâzım Orbay, beau-frère d'Enver], premier aide de camp du ministre de la Guerre, une somme à distribuer aux prisonniers. En outre, accompagné du personnel de la légation, Mgr Dolci a visité 69 blessés français et anglais, soignés dans le grand hôpital de Tachekielhlan à Constantinople.
Après cette visite, Mgr Dolci remercia les officiers et les autorités militaires de leur déférence et adressa des mots de consolation et des souhaits aux blessés, exprimant sa satisfaction de pouvoir donner le témoignage de l'intérêt pris pour tous par le Pape.
Les blessés, profondément émus, ont manifesté leur profonde reconnaissance."
B. Sienne, "Le Pape et les prisonniers en Turquie", La Croix, 3 février 1916 :
"Pour la première fois dans l'histoire, lit-on dans le Corriere d'Italia, le gouvernement turc a accueilli dans son armée, avec le grade et le traitement d'officiers, deux prêtres catholiques, Joseph Naayem, du rite chaldéen, et Jean Mussulu, du rite latin, pour l'assistance spirituelle et religieuse des prisonniers français concentrés à Afrosi-Kara-Hissar.
Le délégué apostolique Mgr Dolci, qui, par son tact très fin et son exquise charité, a pu se faire l'interprète de la bonté du Pape, leur a fait parvenir par Kiazim bey, premier aide de camp du ministre Enver pacha, des dons de Noël, tandis que, impressionnant excellemment l'opinion publique, il participait à la souscription ouverte par les journaux ottomans pour l'achat de membres artificiels à l'intention des invalides. Il se rendit ensuite personnellement, à l'occasion de la Noël, à l'hôpital de Tache-Kirchlar, à Constantinople, pour y visiter les blessés français et anglais et leur distribuer les dons préparés, à sa demande, par Mlles van der Does de Villebois, fille du ministre de Hollande en cette capitale. Ce fut une fête de joie sereine organisée au nom et avec la bénédiction du Pape, à laquelle participèrent aussi les blessés turcs soignés dans cette salle. Le moment de plus vive émotion fut celui où, aux paroles d'encouragement par lesquelles Mgr Dolci prit congé, un sergent français répondit. Amputé d'une jambe, et se soutenant sur ses béquilles, celui-ci voulut s'avancer au milieu de la grande salle et adresser à l'illustre visiteur des paroles de gratitude émue et de vénération."
"Les sollicitudes du Pape pour les tombes des soldats français et anglais dans la presqu'île de Gallipoli", La Croix, 30 juin 1916 :
"On nous communique la lettre suivante, datée de Constantinople, et dont il est inutile de souligner l'intérêt :
Constantinople, le 6 avril 1916.
Comme vous le savez, sans doute, des dames françaises et anglaises avaient recommandé aux sollicitudes de S. S. Benoît XV les tombes des soldats anglais et français tombés aux Dardanelles.
Le Souverain Pontife avait accueilli cette touchante requête, et S. Em. le cardinal secrétaire d'Etat s'était empressé de transmettre, à ce sujet, des instructions à Mgr le délégué apostolique de Constantinople. S. Exc. Mgr Dolci estima que le meilleur moyen de réaliser les intentions du Souverain Pontife était de s'adresser au ministre de la Guerre lui-même, Enver Pacha. Il se ménagea donc une entrevue avec celui-ci : elle eut lieu le 3 avril dernier, et je suis en mesure de vous en faire un compte rendu exact.
Mgr Dolci formula tout de suite, avec une grande clarté, l'objet de sa démarche : « Excellence, dit-il à Enver Pacha, les dames françaises et anglaises qui ont perdu dans les combats des Dardanelles ceux qui leur étaient les plus chers au monde ont sans cesse les regards et le coeur tournés vers cette presqu'île de Gallipoli qu'elles voudraient couvrir des fleurs les plus belles, arrosées de leurs larmes. Là reposent les corps des êtres qu'elles adoraient, d'un fils, d'un époux, d'un frère.
» Dans leur amour toujours un peu inquiet, elles se sont adressées au Saint-Père et l'ont supplié de leur donner l'assurance que ces tombes seront toujours conservées intactes et religieusement gardées.
» Sa Sainteté, qui, dans cet affreux conflit, joint à l'apostolat de l'amour et de la paix celui de la piété paternelle, me donne, par S. Em. le cardinal secrétaire d'Etat, la haute mission de vous recommander, en son auguste nom, ces tombes de soldats et de les mettre, d'une manière toute particulière, sous la bienveillante protection de Votre Excellence. »
Enver Pacha écouta avec déférence le message qui lui était ainsi transmis au nom du Saint-Père, et que Mgr Dolci termina par l'expression la plus courtoise de sa confiance dans les sentiments élevés de son interlocuteur. Prenant à son tour la parole, celui-ci fit observer au délégué apostolique que « dès le commencement des hostilités, il avait pris les précautions nécessaires, autant que l'état de guerre le permettait, afin que les zones de terrain devant être affectées aux cimetières fussent immédiatement entourées de fils de fer.
» Il avait donné en même temps à ses troupes les ordres les plus sévères et les plus rigoureux pour que ces tombes, objet exclusif de la piété humaine, ne fussent, en aucune manière, touchées ou dérangées.
» Si quelques tombes ont été, par la suite, découvertes, cela fut par l'effet d'obus lancés par des navires ennemis, tombés dans quelques cimetières, comme Enver Pacha avait pu le constater lui-même lorsqu'il se trouvait à la bataille de ... »
Mgr Dolci connaissait cette particularité. Il savait que les sépultures ainsi dérangées avaient été recouvertes et rétablies dans leur premier état, sur l'ordre du ministre de la Guerre lui-même.
En terminant l'entretien, Enver Pacha chargea le délégué apostique « d'assurer S. S. le Pape que ces tombes, sauf le cas de force majeure, seront toujours conservées intactes et religieusement gardées avec le signe distinctif de la religion des soldats tombés. Et pour faire connaître au Saint-Père l'état dans lequel se trouvent ces cimetières, dans la presqu'île de Gallipoli, il allait donner l'ordre d'en tirer des photographies ».
La lettre qu'on vient de lire trouvera, croyons-nous, un complément utile dans un autre renseignement qui documente la délicate charité de Mgr Dolci.
Le délégué apostolique de Constantinople a fait parvenir, au nom de S. S. Benoit XV, des cadeaux de Pâques aux prisonniers anglais et français concentrés à Afion-Kara-Hissar. Il avait déjà, on s'en souvient, usé de la même gracieuseté à leur égard, lors des fêtes de Noël."
Chékib Arslan (émir druze), préface à L'évolution politique de la Syrie sous mandat (Edmond Rabbath), Paris, Marcel Rivière, 1928, p. XIII-XIV :
"Sans nous en vanter, nous pourrions dire aujourd'hui que, grâce à l'amitié qui nous liait à Talaat pacha, grand-vizir, nous pûmes faire obtenir de lui, à l'ambassadeur des Etats-Unis à Constantinople, M. Alkusse [Elkus], l'autorisation de faire parvenir à Beyrouth les deux bateaux chargés de vivres, envoyés d'Amérique, à destination des sinistrés du Liban. Nous pûmes même persuader au gouvernement ottoman de confier la distribution de ces vivres au Consulat des Etats-Unis, à Beyrouth, sans ingérence des autorités turques locales.
Grâce aussi à notre intervention, Enver pacha, alors ministre de la guerre, pria le Nonce apostolique à Constantinople de demander au Saint-Père d'intervenir auprès des Puissances de l'Entente, afin de permettre aux secours venus d'Amérique ou d'autre part, d'être déchargés, à Beyrouth. Enver pacha ajouta, que si le Saint-Siège pouvait procéder au ravitaillement des chrétiens du Liban et de la côte, le gouvernement turc lui serait reconnaissant, et même, se disposerait à rembourser le coût des vivres envoyés. L'on voit donc que nous avions fait tout ce qui était humainement possible de faire, pour alléger les souffrances de nos compatriotes. Nous devons dire que la Turquie ne s'y est jamais opposée.
Les Alliés, malheureusement, sous prétexte de l'état de guerre qui existait avec la Turquie, se sont toujours refusés à rompre le blocus des côtes syriennes, malgré les démarches pressantes du Pape en ce sens.
Il est singulier, après cela, de voir certains Syriens et Libanais, dont les parents ont eu à souffrir de la famine, disculper les Alliés de leur attitude pendant la guerre, en prétendant que ces derniers ne pouvaient, de par les lois de la guerre, laisser passer des secours à destination de la Syrie, pays ennemi. Mais lorsque la Belgique fut occupée par l'armée allemande, et que ses récoltes sur pied furent réquisitionnées par l'ennemi, au risque de provoquer la disette parmi la population, les Alliés se hâtèrent de ravitailler les Belges par l'intermédiaire d'une mission internationale, créée de concert avec l'Allemagne. Ce qui évita à la Belgique jusqu'à la fin des hostilités, les horreurs de la faim.
Lorsqu'il s'est agi de la Syrie et du Liban, on objecta naturellement que ce sont des pays ennemis, à tel point qu'en 1917, les Syriens d'Egypte, ayant réuni quelques fonds pour venir au secours de leurs compatriotes en détresse, ne purent jamais faire parvenir ces sommes, les autorités militaires anglaises s'y étant formellement opposées, quoique l'intermédiaire sollicité fut alors la Croix-Rouge internationale. Cet argent ne put être distribué aux nécessiteux de Syrie et du Liban, qu'après l'armistice..."
Ahmed Riza (leader historique du Comité Union et Progrès), Echos de Turquie, Paris, Imprimerie Billard & Baillard, 1920, p. 64-65 :
"Lettre à Sa Sainteté le PAPE
Paris, le 8 mars 1920.
TRES SAINT-PERE,
La paix du monde, la tranquillité de l'âme, si chères à Votre Sainteté, sont en ce moment menacées en Orient.
Certains chefs religieux, appartenant aux églises orthodoxe et protestante, mal renseignés, s'emploient a exciter l'opinion publique contre les Turcs.
Quelques hommes politiques, en Angleterre et en Amérique, soutiennent et encouragent cette dangereuse islamophobie. La religion, chose sacrée, devient encore une fois entre leurs mains un instrument de calcul politique.
L'Episcopat et le Clergé catholique restent en dehors de cette hostilité, entreprise dans le but de servir des causes étrangères à l'Eglise. Ils manifestent, comme leur éminent Pontife, leur amour pour le maintien de la paix.
La nation ottomane apprécie avec ferveur et reconnaissance ce que Votre Sainteté a bien voulu faire ces temps derniers pour arrêter l'effusion de sang ; aussi compte-t-elle sur le pouvoir spirituel de Votre Sainteté pour empêcher cette sorte de haine qui finirait par engendrer de nouvelles luttes intestines.
Quand j'ai eu l'honneur d'être reçu, en audience privée, par Votre Sainteté, à mon passage à Rome, vous avez bien voulu témoigner de vos sentiments bienveillants pour le peuple turc. Encouragé par la bonté pontificale, je me permets de porter à la haute connaissance de Votre Sainteté un fait qui peut profondément impressionner le monde islamique.
L'archevêque de Canterbury, à l'instigation de quelques personnalités politiques, vient d'adresser au gouvernement britannique un appel pour obtenir l'expulsion des Turcs de Constantinople. Il prend ainsi la direction d'une croisade contre le maintien des musulmans dans leur Capitale.
Les religieux et clergymen en question semblent révoltés par les prétendus massacres arméniens ; personne, plus que les patriotes turcs, ne les déplorent. Pour apporter la lumière sur ces événements, il serait nécessaire le plus tôt possible de constituer une mission, composée de membres neutres, qui procéderait à la recherche de la vérité en recueillant toutes les preuves utiles.
L'enquête interalliée menée à Smyrne, comme l'enquête Gréco-Bulgare de 1913, sur les prétendues atrocités turques, a prouvé de quel côté étaient les vrais fautifs. Les auteurs de ces forfaits ont été dévoilés. Il serait aujourd'hui de toute importance d'éclairer le Monde sur la soi-disant Cruauté imputée aux Turcs.
On constatera certainement qu'il y a eu des tueries de part et d'autre, la religion n'y a joué aucun rôle, car les Turcs ont toujours prouvé leur tolérance et leur respect en matière de libre exercice des Cultes.
Je suis intimement convaincu que le Saint-Siège voudra bien user de son influence morale, basée sur la sagesse et la justice, pour rendre inefficaces ces sortes d'agissements de nature à porter atteinte aux principes élevés et sacrés de la religion.
Je prie, Votre Sainteté, etc...
Ahmed RIZA."
J.-T. S., "Union sacrée", Le Petit Marseillais, 19 mai 1920, p. 3 :
"Si la politique d'apaisement était bannie du reste du monde, ce serait bien certainement dans la religion qu'il faudrait aller la rechercher.
Voilà que l'exemple de l'Union sacrée, qui fut un temps si chère au coeur de tous les Français et qui fut si vite oubliée, nous revient, donné par les chefs des religions du monde.
A Constantinople même, en face de l'entrée principale du palais du sultan de Turquie, va se dresser la statue de Benoît XV, pape et chef de l'église catholique. Et c'est le sultan [Mehmet VI], chef de l'Islam, le « Commandeur des Croyants » lui-même, qui a souscrit, pour l'érection de ce monument, la plus forte somme.
Et ce n'est pas tout : le « Commandeur des Croyants » vient d'envoyer au Père Spirituel des Chrétiens une magnifique table de marbre. Ce n'est pas lui seul qui offre ce royal présent, d'autres ont concouru avec lui pour en faire les frais et ceux-là sont : le Grand patriarche grec, chef de la religion orthodoxe ; le Grand-Rabbin de Constantinople, l'un des plus hauts dignitaires de la religion judaïque et sur la table, profondément gravée dans la dalle de marbre qui la forme, on peut lire cette inscription, aussi belle qu'étonnante, après vingt siècles de luttes et d'intransigeante rivalité : « En hommage de reconnaissance au Bienfaiteur des Nations de l'Orient, sans distinction de Race ni de Religion. »
N'est-ce pas là un bel exemple donné à ceux qui ne désarment pas et qui cherchent dans leur propre race à dresser les hommes les uns contre les autres ?"
"Les Musulmans aimés du Pape Benoît XV", Le Rappel, 4 août 1920, p. 3 :
"M. Mohamed Ali, président de la délégation de l'Inde, a été reçu par le pape.
Celui-ci, après avoir reconnu la tolérance des Turcs, dit, à propos du traité de paix [de Sèvres], qu'il était regrettable que les traités récemment signés, s'ils marquaient la cessation des hostilités, n'avaient pas apporté la paix au monde.
Le pape assura encore M. Mohamed Ali que le monde catholique désirait la paix avec l'Islam et exprima sa sympathie aux peuples de l'Inde et au monde musulman."
"Une statue du pape Benoît XV", La Croix, 31 décembre 1921, p. 1 :
"Le pape Benoît XV a sa statue. C'est Constantinople qui l'a érigée et qui, dernièrement, devant le prince héritier, Abdul Medjid effendi, et tout le corps diplomatique, l'a inaugurée, ainsi que nous l'avons signalé en son temps.
Ce ne sont pas les catholiques qui ont pris l'initiative d'un tel monument, et ce ne sont pas eux qui ont rempli les listes de souscription, mais bien les musulmans, les juifs, les Arméniens, les Grecs, les protestants, fait observer avec raison le Figaro.
L'hommage est venu de Sa Majesté le sultan et du vice-roi d'Egypte, du grand rabbin de Turquie, des patriarches arménien, grégorien, géorgien.
Voici en quels termes l'inscription gravée sur le socle rappelle l'oeuvre :
Au Grand Pontife de la tragédie mondiale,
Benoît XV, bienfaiteur des peuples, sans distinction de nationalité ou de religion.
En signe de reconnaissance. — L'Orient.
1914-1919"
Sur Benoît XV : Le pape Benoît XV devant la question arménienne (dans les Empires ottoman et russe)
Voir également : Les papes et les sultans
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