samedi 22 février 2020

Les reculs et les renoncements d'Abdülhamit II




Julia Phillips Cohen, Becoming Ottomans : Sephardi Jews and Imperial Citizenship in the Modern Era, New York, Oxford University Press, 2014 :

"Même des affirmations telles que celle émise par l'homme d'Etat ottoman İbrahim Hakkı Bey selon laquelle "la Turquie s'est toujours distinguée par sa tolérance religieuse et sa clémence à l'égard des nations conquises", ont souligné que certains Ottomans s'identifiaient aux conquérants, tandis que d'autres continuaient à s'identifier ou à être identifiés, aux vaincus. En effet, au début de son règne, Abdülhamid II a interdit la célébration publique de l'anniversaire de la conquête ottomane d'Istanbul en 1453, de peur qu'elle ne soit interprétée comme une fête pour les seuls musulmans ottomans et qu'elle puisse provoquer du ressentiment parmi les observateurs grecs orthodoxes qui s'identifiaient aux prédécesseurs byzantins des Ottomans. " (p. 72)


Odile Moreau, L'Empire ottoman au XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2020 :

"Les régiments de cavalerie légère [Hamidiye Hafif Süvari Alayları] furent créés en 1890 par le sultan Abdülhamid II, assisté d'Ahmed Chakir Pacha, son aide de camp général, et du maréchal Mehmed Zeki Pacha, le commandant du quatrième corps d'armée basé à Erzincan. Les motifs avancés par le sultan étaient de protéger les frontières ottomanes des agressions extérieures et, sur le plan interne, d'organiser des fonctions de maintien de l'ordre, afin de contenir ou de supprimer les activités insurrectionnelles conduites par les nationalistes arméniens. Dans le contexte de la modernité ottomane qui se mettait en place, il s'agissait de promouvoir un Etat-moderne avec des frontières bien définies à protéger. Ainsi, cette nouvelle institution permettrait de tisser un lien direct entre le sultan Abdülhamid II et les tribus kurdes, afin de promouvoir l'Unité de l'Islam, dans l'objectif d'arrimer des provinces périphériques dans le giron ottoman. Cette entreprise était aussi considérée comme une forme de mission civilisatrice, ayant pour ambition de transformer des tribus considérées comme « barbares » en des agriculteurs sédentaires et paisibles attachés à l'Empire ottoman. La sédentarisation des tribus avait d'ailleurs été commencée, de manière sporadique, depuis plusieurs siècles. Or, l'Etat ottoman laissa les chefs des tribus kurdes Hamidiye spolier les terres des paysans arméniens, mais aussi celle des musulmans." (p. 186)

"Les deux partis arméniens Hentchak et Dachnak ne parvinrent pas à s'unir et la scission fut consommée en 1891. Des cellules du mouvement révolutionnaire Hentchak s'implantèrent en Anatolie orientale à partir de 1892 jusqu'en 1894. (...) La même année, en 1893, une affaire éclata à Merzifon. Deux enseignants d'un collège de missionnaires américains furent accusés d'avoir participé à des activités subversives. Condamnés à mort par le tribunal d'Ankara, ils furent graciés par le sultan Abdülhamid II, suite à des interventions britanniques." (p. 183)


François Georgeon, Abdülhamid II : le sultan calife (1876-1909), Paris, Fayard, 2003 :

"Dans la réalité, Abdülhamid se sert de son influence auprès des musulmans surtout pour les empêcher de se révolter. Lorsqu'une révolte éclate en 1881-1882 parmi les musulmans de Bosnie-Herzégovine contre la nouvelle administration autrichienne, Abdülhamid calme le jeu ; il donne de strictes instructions pour que les révoltés ne reçoivent aucune aide à travers la frontière depuis le territoire ottoman. Durant la guerre hispano-américaine de 1898, les Etats-Unis sollicitent Abdülhamid pour qu'il dissuade les musulmans des Philippines de prendre les armes contre les Américains, ceux-ci étant en guerre contre les Espagnols et non contre les musulmans. En 1900, au moment de la révolte des Boxers en Chine, à laquelle participent de nombreux musulmans chinois, c'est au tour de Guillaume II de demander à Abdülhamid d'user de son autorité de calife pour obtenir des combattants qu'ils déposent les armes. Le sultan envoie une délégation en Chine (délégation qui arrive trop tard, alors que la révolte a déjà été matée)." (p. 211)

"De 1890 à 1895, Şakir pacha, ancien ambassadeur ottoman à Saint-Pétersbourg (il est resté onze ans en Russie, faisant beaucoup pour améliorer les relations ottomano-russes et envoyant de nombreux rapports sur les institutions de l'Empire des tsars), est nommé aide de camp à Yıldız ; il va être durant cinq années un conseiller écouté d'Abdülhamid, lui apportant sa longue expérience de la Russie. Le signe du réchauffement ottomano-russe en est, du côté ottoman, qu'Abdülhamid autorise en 1893 la construction d'une chapelle commémorative russe à San Stefano, point extrême de l'avancée des armées du tsar en 1878." (p. 266)

"Sur le plan diplomatique, la victoire militaire des Ottomans aboutit à une défaite. Tout en restant officiellement possession ottomane, la Crète échappe dans les faits à l'Empire. Les grandes puissances (la Grande-Bretagne, la France, la Russie et l'Italie) obtiennent le départ des troupes turques de l'île, tandis que l'Allemagne et l'Autriche se désolidarisent de ces mesures. Sur proposition russe, le prince Georges, deuxième fils du roi des Hellènes, est nommé « gouverneur général de l'île ». L'île est maintenue d'une manière toute théorique sous contrôle d'Istanbul. Celui-ci se limite en fait au drapeau ottoman qui continue de flotter sur la forteresse de La Canée. Il n'est plus question de « souveraineté » ottomane, tout au plus d'une « suzeraineté ». En tout cas, un lien (même très ténu) est maintenu officiellement avec l'Empire, et c'est ce qui importe le plus au sultan. Toutefois, les musulmans de Crète, qui ont perdu confiance, se mettent à émigrer vers l'Anatolie, grossissant ainsi le flot des muhacir. L'Empire a été frustré de sa victoire militaire." (p. 337)


François Georgeon, "Le dernier sursaut (1878-1908)", in Robert Mantran (dir.), Histoire de l'Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989 :


"Et surtout, le problème macédonien est plus que jamais dans une impasse. Depuis les événements sanglants de 1902-1903, les puissances européennes accentuent leur pression sur le gouvernement ottoman. En 1904, une gendarmerie internationale est établie en Macédoine, composée de Russes, d'Autrichiens, de Français, d'Italiens et d'Anglais." (p. 573)


Daniel Panzac, "La population de la Macédoine au XIXe siècle (1820-1912)", Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n° 66, 1992 :


"A partir de 1903, les problèmes de la Macédoine, devenue "la poudrière de l'Europe", acquièrent une dimension internationale à la suite du grave soulèvement dans la région de Manastir provoqué par l'ORIM et soutenu par les Bulgares. La violente répression ottomane entraine l'indignation plus ou moins intéressée des Puissances et notamment des Autrichiens et des Russes dont les souverains proposent une intervention européenne pour rétablir l'ordre. Ils envisagent également une éventuelle division de la Macédoine en zones nationales grecque, bulgare et serbe ce qui relance le terrorisme des komitadjis et des andartes qui cherchent, et parviennent en partie, à élargir et à délimiter clairement leurs futures zones. La présence, dès 1904, d'une gendarmerie européenne et le contrôle financier de la province par les Puissances à partir de 1905, suscitent un profond sentiment d'humiliation et la volonté de réforme des Turcs et tout particulièrement des officiers en garnison en Macédoine, principalement à Salonique. Ce sont eux, groupés dans le Comité Union et Progrès, qui provoquent la Révolution des Jeunes Turcs en 1908." (p. 128)


Voir également : L'indignation d'Ahmet Rıza devant les lâchetés du sultan Abdülhamit II
  
Le patriotisme ottoman du Comité Union et Progrès (İttihat ve Terakki)

Abdülhamit II (Abdul-Hamid II) : un sultan autoritaire et réformateur

Les officiers étrangers au service de l'Etat hamidien
 

jeudi 13 février 2020

Le conflit entre le régime d'Abdülhamit II et l'intelligentsia islamiste arabe




Odile Moreau, L'Empire ottoman au XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2020 :

"Dans le monde arabe, la Nahda fut une période de renaissance culturelle et religieuse ainsi qu'un moment d'éveil des patriotismes. Des intellectuels arabes dressèrent un constat de retard vis-à-vis de l'Europe. Cette Renaissance arabe cherchait à accéder à la « civilisation moderne », en empruntant les techniques qui marquaient l'avance de l'Europe, tels que l'imprimerie, l'éducation publique, l'esprit scientifique ou le patriotisme. En même temps, elle cherchait une forme de retour à la religion, à la morale islamique et à mettre en valeur l'héritage culturel arabe. (...)

La Nahda était traversée par deux courants principaux, l'un ambitionnant le réformisme musulman, sous la houlette de Jamal al-Din al-Afghani et Muhammad Abduh, et d'autre part, un éveil politique dans lequel l'Egypte joua un rôle important. Jamal ad-Din al-Afghani (1838-1897) et Muhammad Abduh (1849-1905) sont considérés comme des figures tutélaires de la Salafiyya, alliant un retour aux sources de l'islam avec l'usage de la raison et de la science. La diffusion de ce mouvement doit beaucoup à Muhammad Abduh et à Rachid Rida (1865-1955) qui fondèrent la revue al-Manar au Caire, en 1898, la presse devenant un moyen important de diffusion de leurs idées, qui essaimèrent à Tunis dans les milieux réformistes héritiers de Khayr ad-Din Pacha ainsi qu'à Bagdad et à Damas.

Abd al-Rahman al-Kawakibi (1855-1902) était un intellectuel syrien d'Alep ainsi qu'un journaliste. Il publia le premier hebdomadaire en langue arabe dans la ville d'Alep, al-Chahbaa [le peuple] dans lequel il dénonçait le régime absolutiste et tyrannique du sultan Abdülhamid II. alors que ce dernier se fondait sur la doctrine dite du « panislamisme » pour légitimer son pouvoir absolu, Abd al-Rahmane al-Kawakibi le contestait en s'appuyant sur la thèse du panarabisme qui, jusqu'alors était défendue par des intellectuels arabes chrétiens. Arrêté, à sa sortie de prison, en 1898, il se réfugia en Egypte où il fréquenta les cercles réformistes et il publia, sous des pseudonymes, dans la vue de Rachid Rida, al-Manar [le phare]. Son ouvrage le plus connu est Umm al-Qura [la mère des cités, La Mecque], publiée en 1902-1903, dans lequel il demandait que le califat fût restitué aux Arabes et que la capitale de l'Empire ottoman devînt La Mecque. En 1902, dans les Caractéristiques du despotisme et la lutte contre l'asservissement, publié au Caire peu avant sa mort, il se faisait l'avocat d'un Etat démocratique arabe fondé sur la séparation des pouvoirs et sur la consultation [Choura]. Ce livre, dans lequel il analysait, de manière très détaillée, les multiples caractéristiques des régimes totalitaires, était aussi une incitation à la révolte. Poursuivi par les services de renseignement du sultan Abdülhamid II, il fut empoisonné, en 1902, alors qu'il se trouvait avec des amis dans un café du Caire." (p. 190-192)

"Né à al-Qalamoun, dans le Vilâyet de Damas, dans une famille se réclamant descendre du prophète, Rachid Rida était un intellectuel syrien de premier plan, partisan du réformisme musulman sunnite. En 1897, il s'exila au Caire, après de vives critiques à l'encontre du gouvernement ottoman. En 1898, il fonda au Caire la revue mensuelle al-Manâr [le phare] qu'il dirigea durant plus de quarante ans et qui bénéficia d'un très grand rayonnement dans le monde musulman. Rachid Rida s'inscrivait dans la tradition islamique réformiste de Jamal al-Dîn al-Afghani et de Muhammad Abduh. En outre, Rachid Rida publia de nombreux ouvrages de théologie, de droit ou de doctrine politique." (p. 310)

Voir également : La montée du nationalisme arabe sous Abdülhamit II

Le projet islamiste de division et d'arabisation de l'Empire ottoman

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Abdülhamit II et Theodor Herzl

Les Arabes ont trahi l'Empire ottoman

Le contexte de l'abolition du califat en Turquie (1924)

XVIe-XVIIe siècles : les musulmans puritains s'opposent à l'islam officiel ottoman

Les intellectuels islamistes et la révolution jeune-turque

La Turquie d'Atatürk et les salafistes-wahhabites du monde arabe 

La montée du nationalisme arabe sous Abdülhamit II




François Georgeon, Abdülhamid II : le sultan calife (1876-1909), Paris, Fayard, 2003, p. 109-110 :

"La situation dans les provinces arabes au lendemain de la crise de 1875-1878 donne également des inquiétudes au sultan. Confrontés à la défaite de 1878 et à l'affaiblissement du pouvoir central, les notables arabes s'interrogent sur leur avenir. Que va-t-il se passer en cas d'effondrement et de partage de l'Empire ? Que vont devenir les provinces arabes ? Dans le Hedjaz, le chérif de La Mecque, Hussein, commence à chercher des appuis du côté des Anglais. En Syrie éclate au printemps 1880 « l'affaire des placards » ; des affiches collées sur les murs à Beyrouth et à Damas appellent les Arabes à se réveiller, à se libérer du joug des Turcs et à réaliser l'unité de la patrie syrienne."

Jacques Baulin, Face au nationalisme arabe, Paris, Berger-Levrault, 1959, p. 14-15 :

"Il ne faudrait surtout pas croire que ces phénomènes [de prise de conscience nationaliste] apparaissent uniquement dans les domaines coloniaux des puissances européennes. La Sublime Porte, elle aussi, se heurta à un nationalisme arabe d'essence intellectuelle. Mais là, le problème se présentait sous un jour sensiblement différent.

Certes, les maîtres de l'Empire ottoman condescendaient à « civiliser » les « Arabes barbares » en leur entrebaillant les portes des universités turques. Mais ce sont surtout des institutions européennes qui s'attelèrent à cette tâche éducative.

« L'histoire du mouvement national en Syrie, écrit Georges Antonius dans son Réveil arabe, coïncide avec la fondation à Beyrouth vers 1850 d'une modeste société littéraire sous patronage américain... quand cinq jeunes gens éduqués au Collège protestant formèrent une société secrète... »

Les institutions catholiques françaises se multiplient de leur côté au Levant. La situation est telle que le comte de Petiteville, consul général de France à Beyrouth, écrit à son ministre des Affaires étrangères en 1888 : « Nous assistons aux prémisses d'une révolution... L'on doit admettre que nos collèges sont, dans une certaine mesure, la cause de cette révolution... »

Ces intellectuels ne disposent pourtant pas de débouchés : dans le système ottoman, le fonctionnariat restait le monopole des Anatoliens. L'intelligentsia arabe se lance donc dans l'action politique.

D'où la prolifération sans précédent des journaux publiés par les intellectuels arabes avant la première guerre mondiale. Entre 1904 et 1910, le nombre des publications en langue arabe passe de 29 à 168 au Liban, de 3 à 87 en Syrie, de 1 à 31 en Palestine, de 2 à 70 en Irak, et de zéro à 6 au Hedjaz."

Voir également : La Conférence de Berlin sur le partage de l'Afrique (1884-1885) : quand l'Empire ottoman faisait partie des puissances coloniales européennes

Le projet islamiste de division et d'arabisation de l'Empire ottoman

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Une des "raisons" de l'antisémitisme arménien : la loyauté des Juifs ottomans à leur Etat, sous Abdülhamit II (Abdul-Hamid II) et les Jeunes-Turcs

Les Juifs et la police ottomane sous le sultan Abdülhamit II

Le point de vue des Juifs sur le sultan Abdülhamit II 

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dimanche 2 février 2020

Le nationaliste libyen Abdul Salam al-Buseiri et la Turquie kémaliste




Amit Bein, Kemalist Turkey and the Middle East : International Relations in the Interwar Period, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 141 :

"A la fin des années 1930, la Turquie a ajouté des émissions de radio à son arsenal d'outils de diffusion de propagande au Moyen-Orient. Les stations de radio détenues et gérées par le gouvernement à Istanbul et à Ankara ont commencé à diffuser en janvier 1937 des bulletins d'information en arabe plusieurs fois par jour. Ce service a continué jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le présentateur de nouvelles était Abdul Salam al-Buseiri, un réfugié politique de la Libye sous domination italienne, qui, au milieu des années 50, servirait pendant une brève période comme ministre des Affaires étrangères de la Libye [sous Idriss Ier]. Les toutes premières émissions de radio ont été captées principalement en Syrie, mais avec l'achat et l'installation d'émetteurs plus puissants à la fin de 1938, les émissions en arabe de la Turquie ont également été captées en Egypte et en Irak, et selon un rapport britannique, même au Koweït. Les comptes rendus dans la presse arabe locale et dans des évaluations britanniques confidentielles suggèrent que les émissions ont trouvé un public enthousiaste au Moyen-Orient."

Voir également : Vedat Nedim Tör : "Qu'attendons-nous de l'intellectuel occidental ?"

Le "rayonnement" de la Turquie kémaliste dans le monde musulman

Le facteur kémaliste dans les révoltes anticoloniales en Syrie

Sun Yat-sen et la Turquie indépendante
 

Atatürk et ses luttes, vus par les héros de l'indépendance indienne

samedi 1 février 2020

Le facteur kémaliste dans les révoltes anticoloniales en Syrie




Jacques Baulin, Face au nationalisme arabe, Paris, Editions Berger-Levrault, 1959, p. 16 :

"Toutes les sociétés secrètes [arabes], qu'elles s'appellent Fetah à Damas, ou Al Ahad à Badgad, étaient dirigées par des intellectuels imbus de culture turque ou européenne. Ils lutteront de 1915 à 1918 aux côtés des Alliés, contre l'Empire ottoman dont le crime majeur, à leurs yeux, était de limiter leurs perspectives d'avancement ou plutôt d'épanouissement.

L'exemple du leader syrien Ibrahim Hananou paraît édifiant à cet égard. De culture turque, il appelait de ses vœux, la libération de la Syrie du joug ottoman, par l'armée d'Allenby. Ce qui ne l'empêcha nullement de soulever en 1920 la Syrie contre les troupes du général Gouraud et de rechercher l'alliance turque, en l'occurrence celle de Mustafa Kemal."


Pierre Fournié et Jean-Louis Riccioli, La France et le Proche-Orient : 1916-1946 : une chronique photographique de la présence française en Syrie et au Liban, en Palestine, au Hedjaz et en Cilicie, Paris, Casterman, 1996, p. 80 :

"Alep, rue Khandak, mars 1922. Manifestation de joie à l'occasion de la libération de Ibrahim Hananu. C'est avant tout la région d'Alep qui va donner du fil à retordre à l'armée française. Pendant plus de deux ans, Ibrahim Hananu, ancien député au Congrès arabe de Damas, va mener une lutte acharnée contre la présence française. Le soutien financier et militaire que lui fournit Mustapha Kemal inquiète autant les partisans de Fayçal que les Français, mais il bénéficie d'un indiscutable appui populaire."


Michael Provence, The Great Syrian Revolt and the Rise of Arab Nationalism, Austin, University of Texas Press, 2005, p. 97 :

"Siba'i [Maẓhar al-Sibâî] naquit à Homs, était allé à l'école secondaire militaire de Damas et était dans l'une des dernières classes à fréquenter l'Académie militaire ottomane d'Istanbul pendant la guerre. Après la guerre, il rejoignit le combat de Mustafa Kemal en Anatolie dans la guerre d'indépendance turque et rejoignit plus tard Ibrâhîm Hanânû dans le nord de la Syrie contre les Français. Après la fin de la révolte de Hanânû, il a été emprisonné pendant un an et s'est retrouvé à Ḥamâh en 1925, alors qu'il n'avait que vingt-quatre ans."


Résumé introductif de "A nationalist rebellion without nationalists ? Popular mobilizations in mandatory Syria 1925-1926" (Michael Provence), in Nadine Méouchy et Peter Sluglett (dir.), The British and French Mandates in Comparative Perspectives / Les mandats français et anglais dans une perspective comparative, Leiden, Brill, 2004, p. 673 :

"Au tout début de novembre 1925, quatre mois à peine après le déclenchement de la Grande Révolte syrienne, les services des Renseignements français rapportèrent que Ramadan Challach, un ancien officier ottoman ayant servi dans l'armée arabe de Faysal, s'était rendu dans plusieurs villages de la montagne syrienne. Dans sa tournée, Challach était accompagné par une troupe de cavaliers bédouins et de paysans des alentours, un millier environ, pour la plupart non armés. De manière générale, ils arrivaient par surprise, de nuit, rassemblaient quelques-uns des habitants de l'endroit et neutralisaient les forces locales de gendarmerie avant de les désarmer. Après avoir ainsi pris possession des villages et s'être livrés au pillage des bâtiments et bureaux du gouvernement, et peut-être même des maisons de villageois hostiles, Ramadan Challach prenait souvent la parole en public sur la place centrale du bourg. Selon les rapports des services des Renseignement mandataires, il appelait les villageois à prendre les armes en proclamant qu'ils étaient tous engagés dans un combat similaire à celui de Mustafa Kemal. Il comparait la situation de la place d'où il parlait à celle d'Ankara en 1920, devenue la capitale de la Turquie nouvelle qui avait émergé, fière et indépendante, sur les ruines de l'empire ottoman, à l'encontre des plans de partitions dressés par les Puissances européennes. Apparemment, ce message était très bien reçu, aussi bien parmi les villageois musulmans que chrétiens."


Voir également : La lutte d'indépendance impulsée par Mustafa Kemal : une résistance à l'occupation de l'Entente et aux irrédentismes gréco-arméniens
  
La légitimité d'Atatürk, selon le chrétien libanais Amin Maalouf

Le kémalisme, la bonne révolution

Vedat Nedim Tör : "Qu'attendons-nous de l'intellectuel occidental ?"

Sun Yat-sen et la Turquie indépendante
 

Atatürk et ses luttes, vus par les héros de l'indépendance indienne

Alexandrette, Mossoul, Ourmia : les politiques suivies par Mustafa Kemal Atatürk
  
Le "rayonnement" de la Turquie kémaliste dans le monde musulman
  
La différence de nature entre les sécularismes kémaliste et baasiste

La place du kémalisme et du nationalisme turc dans la rébellion syrienne

"Bouclier de l'Euphrate" : la reconstruction du nord de la Syrie et le souvenir d'Atatürk