"La Politique", L'Action française, 30 novembre 1920 :
"Il était clair alors que l'audace des soviets et de leurs alliés était, comme leur espérance, alimentée par le courant d'excitations parti de Berlin. Cela est plus clair aujourd'hui que la Grèce constantinienne, la Grèce allemande, entrée en jeu en Méditerranée, prépare à la même intrigue des nids de Hohenzollern non plus dans les mers fermées comme la Baltique et la Mer Noire, mais en pleine Méditerranée, et de manière à entrer en liaison avec le bolchevisme italien."
"Les millions de la Reconstitution nationale", L'Action française, 14 décembre 1920 :
"Simple lettre d'Orient :
Smyrne. — Ah ! Monsieur Maurras, s'il vous était donné de regarder de près le malheureux pays où j'habite ! quelle sinistre illustration de nos politiques sans principes, sans continuité, vivant d'incohérences, d'à peu près, de concessions et d'ignorance volontaire. Depuis deux ans, nos faiblesses continuelles, nos engouements et nos maladresses ont permis une anarchie légale en Asie Mineure ; et cela au détriment de nos intérêts, et sans contenter personne : aujourd'hui, et croyez bien que je parle en parfaite connaissance de cause, les Grecs et les Arméniens nourrissent une haine profonde envers la France, en dépit de toutes les déclarations de leurs commis-voyageurs en attendrissement humanitaire.
Les Italiens d'Orient gardent une suspicion à notre égard ; quant aux Anglais !
Dirai-je franchement que seuls les Turcs nous gardent une sympathie réelle ?
Monsieur, je suis catholique et ne partage que de loin les théories de Pierre Loti, mais je vous donne ma parole d'honneur que son livre, La Mort de notre chère France en Orient, est le seul livre peut-être qui renferme la vérité sur les affaires turques. Ce livre-là, je l'ai vécu, pendant la guerre et depuis ; j'ai connu ces Arméniens et ces Grecs dont le Christ aurait dénoncé l'hypocrisie pharisaïque, et qui savent massacrer aussi bien que les Turcs, mais dans l'ombre de la Croix !... Depuis dix-huit mois que les Grecs sont en Asie Mineure, le pays est économiquement ruiné, les Européens le désertent, et l'élément latin est dans la douleur et l'humiliation. Voilà la vérité, monsieur, et voilà pourquoi nous, Français et catholiques d'Orient, souhaitons que notre Prince retrouve son trône afin qu'il se souvienne de François Ier et que, dans une nouvelle alliance avec le Grand Turc, il rétablisse sa paix et sa justice en Asie Mineure.
En vérité, nul n'aurait le cœur de rien ajouter à ce gémissement. Un mot pourtant : ces lointains amis de la France n'oublient pas leur Action française, ils lui envoient leur souscription comme l'expression de leur espérance."
"La Politique", L'Action française, 3 avril 1921 :
"Qu'il subsiste des républicains capables de distinguer entre les placita des factions et les intérêts du pays, le contraire serait trop malheureux après quatre ans de guerre et deux ans et demi de déception. Il y en a. On en trouve. On en voit. On en lit. Mais ces républicains ne sont pas au pouvoir. C'est dans des feuilles distinctes du gouvernement ou éloignées de l'influence, qu'il leur est possible d'écrire comme M. Charles Bos, ancien député :
La Hongrie, redevenue un royaume, n'était pas dangereuse pour nous. Il n'en est pas de même de la Grèce avec Constantin qui, lui, a fait toujours et cyniquement le jeu de son beau-frère Guillaume. Or, pour ce soudard de mauvaise foi, les Alliés ont accepté le fait accompli. Et Constantin guerroie contre les Turcs, sans que l'Angleterre ni la France l'en empêchent.
Il était plus aisé de s'opposer au retour de Charles IV qu'à celui de Constantin. Et c'est sans doute pour cette raison que les Alliés sont intervenus tout de suite. Croit-on que cela arrange nos affaires dans l'Europe centrale ? Pas du tout. Les peuples dont nous avons favorisé l'indépendance ne nous connaissent plus. Quant à la Hongrie, c'est bel est bien une ennemie de plus que nous nous faisons avec elle. L'Allemagne saura en profiter.
On aimerait voir cette même sévérité s'exercer vis-à-vis du Reich. Elle est absolument nécessaire pour l'obliger à appliquer le traité de Versailles. C'est une question de vie ou de mort économique pour la France. Mais avec le Reich, les Alliés sont de plus en plus hésitants, ce qui fait qu'ils se moquent de plus en plus d'eux et de nous principalement.
Voilà la comparaison qui se fait toute seule. On voit partout la même injustice, la même bévue constante et régulière, réalisée par nos pontifes du droit. La conscience et la raison s'y heurtent au même scandale : du point de vue du Juste qu'on invoquait si bruyamment, le principal coupable, l'Allemagne, a été épargné, il est intact, ni envahi, ni divisé ; le coupable secondaire ou simple complice, l'Autriche, a été mis en morceaux en 1919. En 1921, cela recommence : le maximum de culpabilité et de nocuité étant concentré à Berlin et à Athènes, on y voit fleurir le maximum de tolérance, et c'est Bude qui paie ! Moralement, cela s'explique par l'intérêt des partis, mais l'intérêt national, l'avenir national y est lésé, menacé, peut-être frappé à mort. Devant un coup pareil ou devant sa menace il devient ridicule d'alléguer l'excuse tirée du rapport des forces en jeu. Soit, il était plus facile d'être bon gendarme en Hongrie qu'en Grèce ou en Allemagne, mais plus une force déploie de puissance et fait entrevoir de dangers, plus il est important de la châtier exemplairement de son crime, ou c'est la récidive qui est d'avance primée. A ce point, le réalisme et l'idéalisme s'accordent.
La politique justicière était prudence et sagesse. Mais elle devait être intègre. Or, elle est fraudée."
"La Politique", L'Action française, 1er juin 1921 :
"Le nouveau discours que M. Briand a prononcé hier au Sénat est une infamie. Mais avant de l'apprécier, voyons la courbe des événements de la journée d'hier.
A midi, l'on avait appris trois choses :
La résistance acharnée de la Bavière au désarmement, décelée par le plus sournois marchandage,
La recrudescence des troubles causés par l'offensive allemande en Haute-Silésie,
Le nouvel appui donné par l'Angleterre à l'effort militaire de Constantin de Grèce en Asie Mineure.
Le soir, en même temps que le résumé de la réponse française à la nouvelle note britannique (des mots, des mots de trop !) on pouvait lire partout que le mouvement plébiscitaire continuait en Autriche et que, après Salzbourg, la Styrie était sollicitée de voter l'annexion à l'unité germanique.
Enfin, dans la nuit, des nouvelles de sources diverses établissaient que les concessions de forme faites par l'Angleterre étaient les plus vagues du monde et que la prochaine rencontre de Boulogne soumettrait les « positions françaises » à de nouveaux assauts.
C'est dans cette atmosphère européenne qu'il importe de situer ce que je tiens à appeler l'infamie ou plutôt la nouvelle infamie de M. Briand."
"La Politique", L'Action française, 2 avril 1923 :
"Plus nous avons tardé, moins il sera permis d'hésiter. Pour des raisons tirées de la manœuvre de l'Allemagne, même pour d'autres raisons tirées des intrigues allemandes à tous les bouts du monde, il faudra bien montrer à l'Allemagne et au monde que le prestige de l'Allemagne, l'autorité de l'Allemagne ne doivent plus compter qu'au titre d'illusions.
Le Stamboul, journal français de Constantinople, portait dans son numéro du 22 mars ces deux notes significatives :
« L'agence Anatolie signale le passage par Smyrne, en route pour Angora, d'un envoyé hongrois, chargé d'aller porter à Moustapha Kemal pacha le sabre d'honneur que lui envoie la jeunesse magyare.
« Reproduisant la nouvelle donnée par un journal local et d'après laquelle Hugo Stinnes s'apprêterait à venir à Constantinople, le Terhid (journal turc) fait remarquer qu'il doit s'agir d'une manœuvre destinée à brouiller les Turcs et les Français ».
Angora, Moscou, Buda-Pesth, Stockholm, Rome, Madrid, New-York subissent la même manœuvre d'enveloppement général qui se déploie à l'intérieur des pays allemands que nous occupons. Nous nous userions vainement à dissiper ou à parer tous ces mauvais coups un par un. Parons-les tous en ne portant qu'un coup, au bon endroit."
"La Politique", L'Action française, 11 juin 1923 :
"I. Pierre Loti est mort
Ce peintre et poète de la mer a beaucoup ému des générations dont nous sommes : poète et peintre de la mer et des « étranges pays ». La silhouette de ses cyprès turcs a révolutionné notre vue de l'Orient, telle que Chateaubriand et Lamartine l'avaient formée. (...)
Oui, nous avons beaucoup aimé Loti. Et nous avons suivi la nuée de ses rêves, et nous l'avons mêlé aux nôtres avec un plaisir que les jeunes gens d'aujourd'hui ne se représenteront pas très facilement."
Voir également : Jacques Bainville
Georges Dumézil
René Grousset
La mort du Ghazi (1938)