André Clot, Mehmed II. Le conquérant de Byzance (1432-1481), Paris, Perrin, 1990 :
"La vision du monde occidental acquise par le sultan des Turcs [Mehmet II] dès sa jeunesse, grecque et latine dans le domaine intellectuel est pourtant, dans celui des arts figuratifs, plus proche de Rome et de l'Italie que de Byzance et de la Grèce antique." (p. 149)
Stéphane Yerasimos, La fondation de Constantinople et de Sainte-Sophie dans les traditions turques : légendes d'empire, Paris, IFEA-Maisonneuve, 1990 :
"(...) nous nous trouvons sans doute devant un fonds légendaire concernant la construction [de Sainte-Sophie] et le rôle de l'architecte dans celle-ci, et ceci à une époque, XVe et XVIe siècles, où des deux côtés de la Méditerranée, Italiens et Ottomans sont à la poursuite du même projet, l'édification de la plus grande coupole, s'inspirant respectivement des modèles romain et byzantin du Panthéon et de Sainte Sophie. L'hypothèse la plus plausible serait donc de penser que les uns et les autres puisent dans un même "folklore" d'architecte diffus. Mais ceci ne résout pas la question des liens de transmission entre l'Occident et les Turcs. Effectivement, si la légende de Sainte Sophie est incontestablement à l'origine de certains des éléments rencontrés, rien ne nous permet d'affirmer que la tradition byzantine tardive ait pu jouer ce rôle de transmission. De même,
les contacts artistiques entre l'Italie et les Turcs sous Mehmed II, mais aussi sous Bayezid II : le séjour de Gentile Bellini, le voyage avorté de Mattheo de' Pasti, l'architecte du Tempio Malatestano de Rimini, la visite de Filarète à l'époque de la construction de la mosquée de Mehmed II, ou les projets de Léonard de Vinci pour les ponts sur la Corne d'Or et le Bosphore, ainsi que les influences occidentales manifestes dans le nouveau palais de Topkapı, construit sous Mehmed II, indiquent l'existence de rapports mais ne nous renseignent pas davantage sur les possibilités de transmission d'une tradition. L'existence de ces relations a pu toutefois conduire l'auteur du récit turc à chercher une origine occidentale pour l'architecte de Sainte Sophie." (p. 141)
Bernard Lewis, Comment l'Islam a découvert l'Europe, Paris, La Découverte, 1984 :
"La présence chez eux d'artistes occidentaux ne passa pas totalement inaperçue des Turcs. Le peintre italien Gentile Bellini se rendit à Istanbul après la conquête et fit même un portrait du conquérant. (...)
L'art du portrait était, en effet, une nouveauté dans le monde islamique. La loi sacrée, ainsi qu'elle a été interprétée, interdit de représenter l'être humain. Cette interdiction demeura entière pour la sculpture qui commença seulement à pénétrer en Islam à la fin du XIXe siècle et qui suscite encore de vives critiques chez les puristes. La peinture, autrement dit la représentation en deux dimensions, était en revanche largement répandue, notamment dans les territoires persans et turcs. Elle différait de la peinture occidentale sur deux points importants. D'une part, elle se limitait dans l'ensemble à l'illustration de livres et à la miniature, bien qu'il existât aussi des peintures murales. L'accrochage de tableaux sur les murs était une pratique occidentale que les musulmans n'adoptèrent pas avant la fin du XIXe siècle. D'autre part, les personnages représentés étaient pour la plupart littéraires et historiques. On trouve des portraits dans l'art musulman classique, mais ils sont extrêmement rares et sévèrement critiqués
L'adoption de la peinture de portrait par les sultans ottomans et leurs artistes est un signe significatif de l'influence européenne. L'exemple donné par Mehmed le Conquérant ne fut pas suivi par ses successeurs immédiats, mais au XVIe siècle il devint la règle." (p. 249-250)
"Au XVIe siècle, on trouvait déjà dans la langue de la marine turque un nombre considérable de vocables empruntés à l'italien, soit directement, soit par le truchement du grec. Signalons par exemple :
kapudan, pour capitaine, qui inspirera le titre de
Kapudan Pacha, grand amiral de la flotte ottomane ;
lostromo ou
nostromo, mot méditerranéen désignant couramment le maître d'équipage qui signifie notre maître et vient probablement du jargon des esclaves employés sur les galères espagnoles et portugaises ;
fortuna qui, en turc, a pris le sens de tempête, et le mot
mangia, manifestement d'origine italienne, dont les marins turcs se servaient pour désigner leur nourriture. La plupart de ces vocables étaient d'origine italienne, notamment vénitienne, mais certains venaient aussi de l'espagnol, du catalan et même du portugais. Le nombre de ces mots d'emprunt dans la langue familière turque et notamment dans le vocabulaire lié à la mer (constructions navales, navigation, pêche) témoigne d'une certaine influence occidentale." (p. 78)
Voir également : Fatih Sultan Mehmet (Mehmet II)
Les offres de Beyazıt II (Bayezid II) à Léonard de Vinci et Michel-Ange
Alexandre VI Borgia et Beyazıt II (Bayezid II)
L'Empire ottoman et l'Occident chrétien à l'époque moderne
Süleyman Ier vu de Venise
Les Turcs et l'art : créateurs, mécènes et collectionneurs
L'influence turco-ottomane en Europe