Emil Cioran, Cahiers, 1957-1972, Paris, Gallimard, 1997, p. 376-377 :
"Les Romains et les Anglais ont pu fonder des empires durables parce que, dépourvus d'esprit philosophique, et réfractaires aux idéologies, ils n'en ont imposé aucune aux nations qu'ils asservissaient. C'étaient des administrateurs et des parasites sans Weltanschauung, et donc sans véritable tyrannie. Alors que les Espagnols, avec leur catholicisme borné, ont vu s'écrouler vite leur empire, et les Allemands, avec leur esprit de système qu'ils ont transporté de la philosophie en politique, ont échoué après seulement quelques années. La même chose attend les Russes. Les idéologies n'aident à l'expansion que pour mieux la gêner. De même, les Turcs ont exercé une si longue hégémonie parce qu'ils ne demandaient aucune adhésion théorique, aucune croyance, aucun assentiment profond aux peuples soumis.
Il n'est pas facile d'être autoritaire et sceptique. C'est pourtant cette contradiction qui fait le véritable Maître."
Emil Cioran, De l'inconvénient d'être né, chapitre VIII, Paris, Gallimard, 1973 :
"Les Romains, les Turcs et les Anglais ont pu fonder des empires durables parce que, réfractaires à toute doctrine, ils n'en ont imposé aucune aux nations assujetties. Jamais ils n'auraient réussi à exercer une si longue hégémonie s'ils avaient été affligés de quelque vice messianique. Oppresseurs inespérés, administrateurs et parasites, seigneurs sans convictions, ils avaient l'art de combiner autorité et indifférence, rigueur et laisser-aller. C'est cet art, secret du vrai maître, qui manqua aux Espagnols jadis, comme il devait manquer aux conquérants de notre temps."
Voir également : Les Valaques (Roumains et Aroumains) dans l'Empire ottoman tardif
Nicolae Iorga (historien et homme politique roumain)
Les Turcs de la Dobroudja