dimanche 12 mai 2013

Jacqueline Thome-Patenôtre

Jacqueline Thome-Patenôtre, "Nouvelles données du problème turc", Revue des deux Mondes, juillet 1986, p. 46-48 :
En juin 1985, rentrant de Turquie, j'avais pu observer l'état médiocre des relations de la Turquie avec les pays de la C.E.E., confirmé lors d'un débat du Parlement européen, en octobre 1985, où une majorité de députés, à laquelle je m'honore de ne pas avoir appartenu, avait adopté le rapport du travailliste anglais d'extrême gauche, M. Balfe, qui était hostile à la reprise des relations C.E.E.-Turquie, jugeant insuffisant le respect des droits de l'homme dans ce pays.

Pourtant, j'ai pu personnellement constater que le premier ministre turc, M. Türgut Ozal, agissait dans le sens d'une réelle et rapide démocratisation : adoption d'une nouvelle constitution en 1982, levée quasi générale de la loi martiale, formation de partis politiques, expression libre dans la presse, alors même que l'environnement menaçant pourrait constituer un handicap insurmontable.

Voilà, en effet, un pays de 780 000 km2, de 50 millions d'habitants, s'étendant sur deux continents, ayant des frontières avec l'U.R.S.S. (600 km), l'Iran (450 km), l'Irak, la Syrie, la Grèce, la Bulgarie.

La Turquie est, en outre, confrontée à la tentation séparatiste kurde, trop souvent sous-estimée et que certains tendent à exploiter.

Elle se voit reprocher son attitude à propos du « génocide » arménien de 1915, alors que ceux qui en demandent la reconnaissance officielle par le gouvernement turc n'hésiteront pas, dans une étape ultérieure, à réclamer la création d'une république arménienne autonome, atteignant ainsi leur but réel de déstabilisation.

Malgré cela, ou grâce à cela, la Turquie tourne encore ses espoirs vers l'Europe et l'Occident (Alliance atlantique, Conseil de l'Europe, association avec la C.E.E.). Il est impératif, dans l'intérêt même des nations européennes, qu'elle ne soit pas déçue dans cette attente, car la fierté de ce peuple européophile pourrait l'amener, à force d'indifférence ou de critiques de notre part, à se tourner vers d'inquiétants partenaires.

Déjà, cette république laïque, cas exceptionnel parmi les pays musulmans, est traversée par des courants islamiques intégristes, qui battent en brèche l'héritage de Mustapha Kemal. Si l'Atatürk est toujours vénéré, sa pensée politique, largement tournée vers l'Europe est, aujourd'hui, dans les faits, et malgré un unanimisme de façade, partiellement contestée.

Une évolution favorable
En revanche, en mai 1986, à nouveau invitée en Turquie dans le cadre d'une délégation parlementaire où j'étais seule à représenter notre pays, j'ai fait part au président de la République, le général Evren, au premier ministre, M. Türgut Ozal, et au président de la Grande Assemblée nationale turque, M. Necmettin Karaduman, d'un certain nombre de signes récents et favorables que j'ai discernés en Europe, notamment en France, et j'ai pu me rendre compte combien les entretiens positifs tenus à Paris quelques jours auparavant entre M. Jacques Chirac et son homologue, M. Türgut Ozal, avaient été appréciés par les Turcs.

Cette attitude nouvelle contrastait singulièrement avec les relations inamicales ayant existé entre nos gouvernements socialistes successifs et le gouvernement civil et républicain de M. Ozal.

Déjà, en ce qui concerne l'Europe, la Turquie a obtenu un réel succès diplomatique au Conseil de l'Europe, puisqu'elle y a retrouvé son rang au Comité des affaires étrangères des vingt et un, dont elle devrait assurer la présidence à partir de novembre prochain : seuls six pays sur vingt et un ont voté contre le principe de la présidence turque, parmi lesquels seulement trois membres de la C.E.E. : la Grèce (bien sûr), le Luxembourg et le Danemark.

(J'ai volontairement peu évoqué, dans ce court article, les rapports difficiles turco-grecs, et notamment la question cypriote, car ils demanderaient de longs développements sans constituer cependant « une nouvelle donnée » du problème turc.)

Sur le plan français, le premier ministre Jacques Chirac, indiquant clairement qu'il entendait tenir un rôle actif dans le domaine des relations internationales, a donné une impulsion et une orientation nouvelles aux rapports franco-turcs, dont témoigne la visite, les 23 et 24 mai, en Turquie, de notre ministre de la Défense qui a abordé, en plus du domaine qui lui est propre, l'ensemble des relations économiques et culturelles entre les deux pays.

Il importe que cette évolution objective heureuse, tant sur le plan européen que national, se poursuive et s'amplifie ; que des échanges interparlementaires aient lieu et que les Français connaissent mieux les Turcs, qui possèdent un remarquable sens de l'hospitalité, qui habitent un pays superbe où les monuments grecs le disputent aux paysages surprenants de la Cappadoce, au fourmillement intense d'Istanbul ou encore aux beautés de la côte, d'Izmir (l'antique Smyrne) au golfe d'Antalya.

Au-delà de cette évocation touristique, je voudrais insister, en conclusion, sur le fait que ces « nouvelles données » montrent l'importance de la Turquie, de son rôle et de son engagement vis-à-vis des nations occidentales ainsi que la nécessité, de la part de l'Europe, de montrer plus de lucidité et de réalisme à l'égard d'un pays menacé, convoité et fragilisé par notre propre inertie.

mercredi 8 mai 2013

Alain Chouet

Alain Chouet, Au coeur des services spéciaux : la menace islamiste, fausses pistes et vrais dangers, chapitre 5 : "Le rôle central des Frères musulmans", sous-partie : "Les incertitudes du « modèle turc »", Paris, La Découverte, 2011 :

"C'est une attitude [de laisser le processus électoral aller à son terme] que l'armée turque a eu la sagesse d'adopter...?

Oui, c'est toujours ce qu'elle a fait. Mais je ne sais pas combien de temps cela va pouvoir encore durer. L'AKP (Parti de la justice et du développement), le parti islamiste, est arrivé au pouvoir régulièrement par les urnes, en 2002. Au sein de l'AKP, les Frères musulmans représentent une mouvance très importante, mais ils doivent composer avec des populistes musulmans turcs de tradition hanéfite, plutôt tolérants et ouverts sur le monde. On commence cependant en 2011 à aborder les vrais problèmes, car les Frères ont entrepris de toucher à la Constitution sur des points mineurs avec une grande habileté manœuvrière.

Dans le monde entier, les Frères ont en effet développé une remarquable maîtrise dans l'exploitation de toutes les failles des systèmes juridiques locaux. Ils pourraient en remontrer à des avocats anglo-saxons. Ainsi, dans les années 1990 en Egypte, ils avaient introduit un recours en annulation du mariage d'un jeune universitaire, Nasser Hamid Abou-Zeïd, qu'ils accusaient d'apostasie (donc insusceptible d'épouser une musulmane) pour avoir fourni une interprétation non conforme à celle des Frères. Le procédé est habile, puisque, au travers d'un problème particulier de droit civil, il mettait les juges en demeure de trancher globalement sur les titulaires du droit d'interprétation.

En Turquie, ils ont demandé la levée de l'interdiction constitutionnelle du port du voile dans les administrations. C'est suffisant pour démontrer que la Constitution n'est pas intangible, mais pas assez significatif pour que l'armée prenne le mors aux dents, surtout dans le contexte actuel où les militaires turcs sont tenus par l'Occident à une certaine réserve. L'Europe, qui claque systématiquement la porte au nez de la Turquie, condamnerait sans doute avec véhémence un putsch militaire dirigé contre une dérive aussi « feutrée ». Les islamistes turcs le savent. Ils ont mis le pied dans la porte et surfent sur cette vague de rejet européen, qui lie les mains de l'armée en même temps qu'elle suscite dans la population un repli identitaire sur les valeurs de l'islam. Il est difficile de savoir comment l'armée turque va réagir sur le long terme.

Les opposants à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ont donc raison ?


Au contraire. C'est en fermant la porte de l'Europe à la Turquie qu'on fait le lit de l'islamisme politique dans ce pays, puisqu'on l'oblige ainsi à un repli identitaire, à se tourner vers ses voisins du sud et de l'est et à en adopter les codes. Les islamistes turcs l'ont bien compris, qui s'emploient à détricoter les solidarités occidentales traditionnelles du pays pour mieux l'isoler. L'affaire de la flottille « humanitaire » turque expédiée à Gaza fin 2010 est exemplaire de ce point de vue et témoigne de leur grande habileté à exploiter les contradictions occidentales. Personne ne pouvait décemment critiquer cette initiative « humanitaire », mais il était tout aussi certain que les Israéliens ne pouvaient la tolérer sans ouvrir la porte à toutes les initiatives du même genre qui n'auraient pas manqué de suivre de la part de leurs pires adversaires. Les Israéliens s'y sont très mal pris et ont aggravé la situation, mais cela ne change rien au fait qu'une telle entreprise ne pouvait que briser le lien fort qui existait entre les politiques de défense de la Turquie et d'Israël.

Après la Première Guerre mondiale, c'est l'isolement politique et financier de l'Allemagne, les sanctions économiques et l'ostracisme diplomatique qui ont poussé ce pays dans les bras des nazis et dans l'aventure de la Seconde Guerre mondiale. Après 1945, c'est le plan Marshall, l'assistance au redressement allemand, la mise en place de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) et l'intégration européenne qui ont neutralisé les potentiels de conflit sur le continent. Isoler la Turquie aujourd'hui, c'est faire le jeu des islamistes qui cherchent eux-mêmes à l'isoler pour mieux la contrôler. En tant que professionnel de la sécurité, il me semble que, tant qu'à avoir une frontière problématique avec le monde musulman, il vaudrait mieux, puisque l'occasion nous en est donnée, l'éloigner de plus de 2 000 kilomètres de sa position actuelle. Et je suis tout de même un peu surpris de voir les contestataires du caractère « européen » de la Turquie envisager favorablement l'adhésion à terme de la Géorgie ou de l'Arménie. Ces pays du Caucase seraient-ils plus « européens » que la Turquie ? Ou bien est-ce plus simplement parce qu'ils ont l'heur d'être chrétiens ? Voilà des contradictions que ne peuvent manquer d'exploiter les islamistes."

mardi 7 mai 2013

La France gaulliste, la Turquie et la Méditerranée

"Il n'y a plus d'Atlantique", Le Nouvel Observateur, 4 avril 1969, p. 20 :

"Michel Debré est allé loin en déclarant que les forces américaines devaient être maintenues et en Allemagne et en Méditerranée. Mais il est allé moins loin que ne le fit le Général lors des entretiens avec Richard Nixon. Sur le Viêtnam, de Gaulle a écouté avec une compréhension bien nouvelle les « difficultés » des Etats-Unis pour parvenir à une paix qui ne soit pas une capitulation. Sur le Proche-Orient, l'entente a été quasi totale. En Méditerranée, de Gaulle a fait un exposé cosmique. La mer latine est devenue, selon lui, un bocal où deux gros requins se frôlent et qui risque de déborder. Pour le moment, il est souhaitable que la présence américaine soit maintenue, mais dans l'avenir, de Gaulle rêve d'une sorte de « club Méditerranée » gaullien, de l'Espagne à la Turquie. Un obstacle : l'Algérie. Cette Algérie qui était la pierre angulaire de sa politique africaine, voici qu'elle flirte de manière inquiétante avec l'Union soviétique. Tout se passe comme si l'U.R.S.S. (avec la perfide complicité de la Grande-Bretagne) voulait constituer un axe Alger-Lagos pour séparer en deux l'Afrique francophone."

Voir également : Charles de Gaulle

Charles de Gaulle était partisan de la position turque sur Chypre : la partition (taksim)

L'amitié franco-turque

samedi 4 mai 2013

Un génie de ce temps : Kemal Atatürk




"Un génie de ce temps : Kemal Atatürk", L'Illustration, n° 4994, 19 novembre 1938 :
Depuis de longs mois déjà, on savait que les jours de Kemal Atatürk étaient comptés. Un mal implacable minait cet homme robuste et dans toute la force de l'âge - il n'avait que cinquante-huit ans - qui aimait si passionnément la vie sous toutes ses formes. Les sommités médicales de tous les pays avaient été appelées auprès de lui. Il se trouvait sur son yacht Savarona quand, il y a quelques jours, son état s'aggrava encore, ne laissant plus d'espoir. On le transporta à Istamboul, dans son palais de Dolma Baghtché, et c'est là où il s'est éteint, le 10 novembre, à 9 heures du matin.

Avec lui disparaît le premier en date des dictateurs d'après-guerre. Mussolini et Hitler ne sont venus qu'après lui. Il serait assez vain de vouloir établir entre les trois hommes une hiérarchie de grandeur. Tous trois ont profondément transformé et réformé leur pays, accru son prestige et sa puissance. Mais il est possible que l'histoire, avec le recul qui lui permet de juger plus impartialement les valeurs, témoigne sa plus grande admiration au fondateur de la Turquie nouvelle. La situation devant laquelle il s'était trouvé était la plus désespérée. L'œuvre qu'il a entreprise avec une énergie indomptable et menée à son accomplissement était la plus hérissée de difficultés et dépasse d'envergure celle du fascisme et de l'hitlérisme lui-même.

Il ne s'agissait pas seulement de relever politiquement un peuple et de lui faire reprendre dans le concert des nations une place éminente. C'est l'âme même de ce peuple qu'il a fallu changer en la réveillant d'une léthargie séculaire. Si Moustapha Kemal n'avait eu à lutter que contre l'Europe, la tâche, déjà, aurait pu sembler surhumaine, car la Turquie, au lendemain de la grande guerre était à peu près anéantie par sa défaite. Mais, pour atteindre le but qu'il s'était assigné, il a eu à briser un cadre social, à bouleverser des mœurs, à déraciner des traditions et des préjugés demeurés immuables depuis le moyen âge. En dix ans, il a fait parcourir à la Turquie cinq ou six siècles. Et pourtant, il était seul, ou presque. Il n'a pas été, comme d'autres, porté par un grand mouvement national. Tout ce qui restait encore dans l'Etat turc de forces agissantes, matérielles ou spirituelles, était conjuré contre lui. Par sa ténacité il a surmonté tous les obstacles. Il a rallié autour de lui des partisans de plus en plus nombreux, il a galvanisé une nation à laquelle il a fait partager son enthousiasme et sa foi.

UNE PRODIGIEUSE CARRIERE

Moustapha Kemal sortait du peuple et il a toujours été fier de l'humilité de ses origines. Son père et sa mère vivaient à Salonique dans une très modeste condition. Sa mère, devenue veuve de bonne heure, eût souhaité qu'il se fît religieux. Mais il avait la vocation militaire. Il entra à l'école des cadets à Salonique, où il se distingua par sa vive intelligence et son goût pour les mathématiques. A dix-sept ans, il passait brillamment l'examen de sortie et il était envoyé à l'école militaire de Monastir. Dès cette époque il s'exerçait à la parole, écrivait des articles et des poésies dont le thème était toujours le même : défendre la liberté, délivrer la Turquie du joug des étrangers et du gouvernement corrompu du sultan. Breveté d'état-major avec le grade de capitaine en 1905, il s'affiliait à une société révolutionnaire dénommée « Vatan », c'est-à-dire la patrie, dont les membres s'engageaient par serment à renverser le Sultanat et à instaurer un gouvernement constitutionnel, fondé sur une assemblée populaire. Il fut arrêté comme conspirateur, emprisonné à Constantinople et déporté en Syrie. Dans son exil même, il s'occupait de fonder une filiale du Vatan, revenait secrètement à Salonique, en passant par l'Egypte et la Grèce, et prenait part à la révolution de 1908 en qualité de commandant à l'état-major. En 1910, il était attaché à la mission du général Ali Riza, envoyée en France, et suivit avec elle les grandes manœuvres de Picardie. En 1911, il jouait un rôle brillant dans les guerres balkaniques. Mais, lorsque le ministre de la Guerre Enver Pacha décida de réorganiser l'armée turque et confia ce soin au général prussien Liman Sanders, Moustapha Kemal protesta : « C'est aux Turcs, disait-il, de gérer leurs affaires. On insulte la nation en faisant appel aux étrangers. » Une demi-disgrâce l'expédia à Sofia comme attaché militaire. C'est là que la guerre mondiale le surprit.

Il préconisait pour son pays la neutralité. C'est contre son vœu que la Turquie se rangea aux côtés des empires centraux. Il accomplit du moins son devoir militaire avec scrupule et fut le principal artisan de la victoire des Dardanelles, remportée par les Turcs sur les Alliés. Il alla ensuite combattre en Syrie. Il y était encore au moment de l'armistice. Il résigna alors son commandement et regagna Constantinople.

L'indépendance turque n'existait plus. La flotte anglaise tenait le Bosphore, les troupes françaises et italiennes occupaient la capitale, les lignes de chemin de fer, les forts, contrôlaient la démobilisation. Le gouvernement du sultan n'était plus qu'un fantôme. L'empire ottoman était détruit : la Syrie, la Palestine, l'Arabie étaient perdues. Les Grecs, avec l'assentiment du Conseil suprême, débarquaient à Smyrne le 15 mai 1919. Quatre jours plus tard, Moustapha Kemal arrivait en Anatolie, par le port de Samsoun, sur la mer Noire. Il ne s'était pas résigné à l'humiliation et à la déchéance de son pays, que le traité de Sèvres allait consacrer. Mais il avait compris qu'il n'y avait rien à faire à Constantinople et que la résistance devait émigrer ailleurs. Les montagnes anatoliennes lui offraient un refuge inaccessible. Il y installa son quartier général.

Alors commença la grande épopée - une des plus magnifiques pages que la résolution d'un homme ait inscrites dans l'histoire. Il serait inexact de se figurer qu'elle eut d'abord une phase militaire et que ce fut seulement après la victoire des armes, consommée au mois d'août 1922, que Moustapha Kemal entreprit son œuvre intérieure. Sans doute, celui qui était devenu le Ghazi (le Victorieux), soutenu par la reconnaissance du peuple qu'il avait sauvé, avait-il désormais les mains plus libres pour effectuer ses réformes capitales. Mais dès le premier moment il lui avait fallu mener de concert deux tâches écrasantes : la lutte armée et l'organisation politique, sociale, administrative d'un pays où il n'y avait plus rien que la décomposition anarchique.

Ce n'est pas en quelques lignes d'une nécrologie que l'on peut donner une idée, même succincte, de ce que Kemal a accompli. Bornons-nous pour aujourd'hui à saluer sa mémoire avec le respect admiratif que l'on doit à l'un des hommes les plus extraordinaires de notre époque, pourtant fertile en motifs d'étonnement.

LE NOUVEAU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Aussitôt après la mort de Kemal Atatürk, l'Assemblée nationale d'Ankara s'est préoccupée de lui donner un successeur comme président de la République turque. Le groupe parlementaire du parti gouvernemental a désigné comme candidat le général Ismet Inonu, qui a été élu, le 11 novembre, à l'unanimité. Le nouveau chef d'Etat, qui est âgé de cinquante-six ans, a été l'un des plus intimes collaborateurs d'Atatürk. Fils d'un magistrat, il avait suivi les échelons de la carrière militaire jusqu'au grade de colonel quand, en mars 1920, il arriva à Ankara. Il prit une part glorieuse à la campagne contre les Grecs, notamment aux deux batailles d'Inonu, dont il devait plus tard adjoindre le nom au sien.

Membre de la grande assemblée, il a été ministre des Affaires étrangères, président de la délégation turque à la conférence de Lausanne et deux fois président du Conseil. Il avait pris sa retraite comme général de division, en 1927, afin de se consacrer presque exclusivement à doter la Turquie d'un réseau ferré. Orateur de talent, c'est un esprit d'une vaste culture, fort aimé de la jeunesse, auprès de laquelle il jouit d'un grand ascendant moral.

Voir également : Qui était Mustafa Kemal Atatürk ?