mercredi 23 janvier 2013

Friedrich Naumann et Ernst Jäckh




Friedrich Naumann, Asia. Eine Orientreise über Athen, Konstantinopel, Baalbek, Nazareth, Jerusalem, Kairo, Neapel, Berlin, Georg Reimer, 1913 (première édition : 1899) :

"On ne doit pas oublier que l'Etat turc n'est pas un Etat-nation comme l'Allemagne, ni un Etat dynastique basé sur une constitution et une union personnelle comme l'Autriche, mais un Etat conquérant dans lequel un peuple de maîtres relativement restreint dirige des peuples dépendants. Cet Etat se décompose quand la domination ottomane est brisée. Quiconque veut le détruire, doit soutenir à cette fin les Grecs, Serbes, Bulgares, Macédoniens, Syriens, Arméniens. Toutes les grandes puissances, à l'exception de l'Allemagne, ont adopté cette méthode qui tend à renverser l'ordre existant en Turquie." (p. 138)

"Notre politique en Orient est fixée pour longtemps, nous faisons partie du groupe des protecteurs de la Turquie, c'est en cela qu'il nous faut mettre notre confiance." (p. 140)

"Le 6 septembre 1871 mourut Ali Pacha, l'homme politique turc le plus doué de notre siècle. Il avait compris à merveille le changement que la victoire de l'Allemagne sur la France avait amené dans la situation politique. A une époque où peu d'Allemands encore pressentaient les conséquences que la paix de Francfort pourrait avoir au sujet de la question d'Orient, il dit à l'ambassadeur autrichien, Prokesch-Osten, "que les relations entre la Russie et la Prusse ne gagneraient pas à cette victoire sur la France. Que la Prusse s'efforcerait de conquérir l'alliance de l'Autriche. Mais que de là résulterait pour la Porte l'appui dont elle avait manqué si longtemps." (Geschichte der orientalischen Angelegenheit im Zeitraum des Pariser und des Derliner Friedens, von Félix Bamberg, Berlin 1892.) Ce que ce Turc mourant disait par ces mots, est en effet le germe de notre politique orientale. Il faut que nous protégions l'Empire ottoman, parce que nous avons vaincu à Sedan. Par notre victoire, nous avons brisé, même en Orient, la force politique si importante de la France. Il se forma une brèche par laquelle la Russie et l'Angleterre se seraient introduites sans ménagement, si nous n'avions pas existé. Nous recueillîmes, ici comme ailleurs, l'héritage de Napoléon III, tandis que la France reprit le rôle de la Prusse dans ses rapports avec la Russie. Autrefois, c'est Napoléon III qui était l'ami du Padischah, aujourd'hui, c'est Guillaume II." (p. 141-142)

Ernest Jackh (Ernst Jäckh), The Rising Crescent : Turkey Yesterday, Today and Tomorrow, New York-Toronto, Farrar & Rinehart Inc., 1944 :

"Mon intérêt pour la Turquie se développa lors de ce premier séjour à Smyrne et à Constantinople. La révolution des Jeunes-Turcs cette année-là éclairait soudainement les qualités essentiellement humaines de la population et de ses dirigeants (dont Kemal). Leur opposition déterminée au despotisme du "sultan sanguinaire" était tellement contrôlée et dominée par la raison que cela en vint à être connu comme la "révolution sans effusion de sang", ou la "révolution des gentlemen". Je n'avais pas de prédisposition particulière en faveur des Turcs. Je n'avais pas non plus de préjugé occidental violent. Mais ma longue expérience avec eux, ma proximité avec de nombreuses familles turques, certaines de haut rang, et certaines appartenant aux petites gens, m'ont révélé que la véritable nature du peuple turc est tout à fait différente de celle suggérée par les slogans populaires. C'est par sens du devoir, par chevalerie envers une nation opprimée, et en hommage à une très longue amitié que je présente ma découverte et ma confiance dans le "Croissant levant".

Par la compréhension de l'âme d'un autre peuple on enrichit sa propre âme. Mais c'est seulement en aimant un peuple que l'on arrive vraiment à le comprendre. Je fus honoré avec un tel amour quand, en tant que jeune démocrate allemand, je suis allé en Turquie en 1908." (p. 5-6)

Voir également : Guillaume II (Wilhelm II) de Hohenzollern