Conférence de presse, 21 décembre 1951 :
"Tout à l'heure j'ai parlé de la position excentrique de la Turquie et de la Grèce et j'ai parlé de la situation hybride de la Yougoslavie. Cette situation, par rapport au centre de l'Europe continentale, n'empêche pas que, sans aucun doute, leur concours soit indispensable à l'ensemble de la défense de l'Occident. Je crois, en particulier, que la défense de la Méditerranée d'une part, de l'Orient d'autre part, ne se conçoivent pas sans le concours direct et essentiel de la Turquie. Je voudrais même voir ce rôle encore mieux reconnu qu'il ne l'est, en particulier au point de vue des commandements, tout au moins dans la phase initiale d'un éventuel conflit.
Quant à la Grèce, sa place est marquée par la Géographie et par l'Histoire, dans l'organisation de la défense de la Méditerranée orientale."
Conférence de presse, 12 novembre 1953 :
"Je n’oubliais pas que l’Europe va de Gibraltar à l’Oural et, quelle que fût mon opinion sur le compte de certains régimes, j’avais été Moscou comme à Londres ou à Bruxelles et j’avais établi des relations avec Madrid aussi bien qu’avec Ankara. Suivant moi, ferait partie de l’Europe unie quiconque le voudrait sincèrement."
Mémoires de guerre : Le salut, 1944-1946, Paris, Plon, 1959, p. 47-48 :
"Si le Kremlin persistait dans son entreprise de domination, ce serait contre le gré des nations soumises à son gouvernement. Or il n'est point, à la longue, de régime qui puisse tenir contre les volontés nationales. J'estimais, en outre, qu'une action menée à temps auprès des maîtres du Kremlin par les alliés occidentaux, à condition qu'elle fût concertée et catégorique, sauvegarderait l'indépendance des Polonais, des Tchèques, des Hongrois et des Balkaniques. Après quoi, l'unité de l'Europe pourrait être mise en chantier sous forme d'une association organisée de ses peuples, depuis l'Islande jusqu'à Stamboul et de Gibraltar à l'Oural.
Tel était le plan que je m'étais formé, sachant fort bien qu'en pareille matière rien ne s'accomplit jamais exactement comme on l'a voulu, mesurant ce qui manquait à ma politique de crédit au dehors et de soutien au dedans en raison de notre affaiblissement, mais convaincu néanmoins que la France pouvait dans ce sens exercer une grande action, prendre une grande figure, servir grandement son intérêt et celui du genre humain."
Message publié dans le journal Vatan, 10 novembre 1963 :
"Je voudrais exprimer, à l'occasion du 25ème anniversaire de la mort du Grand Atatürk, les sentiments d'amitié que la nation française ressent pour la nation turque. L'histoire de la Turquie est plus que jamais devenue inséparable de celle de l'Occident et de l'Europe. Et les efforts d'Atatürk ne sont pas restés sans résultats. L'amitié qui existe depuis des siècles entre nos pays est l'un des éléments fondamentaux de ce développement."
Discours à l'occasion de la visite du président turc Cevdet Sunay, 27 juin 1967 :
"Depuis des siècles, nous avons pris, ici, l’habitude de tenir la Turquie pour un grand Etat, plein de courage, de fierté, de capacités, et prestigieux symbole de toutes les luttes, épreuves et espérances de l’Orient. (...) Mais c’est aussi dans l’ordre politique que tout porte la Turquie et la France à resserrer leurs rapports. Le fait que toutes deux ne prétendent dominer d’aucune façon aucun autre Etat et n’en sont que plus résolues à ne se laisser dominer par personne crée entre elles, tout d’abord, une sympathie fondamentale. (...)
En Europe notamment, dont la Turquie s’incorpore une des capitales historiques, en Europe, qu’elle joint à l’Asie par dessus des détroits essentiels, en Europe dont le destin se trouve hypothéqué par le problème du sort de l’Allemagne, l’intérêt de nos deux Républiques n’est-il pas de conjuguer leurs efforts pour qu’au lieu de l’opposition stérile de deux camps s’établissent la détente, l’entente et la coopération entre tous les peuples de notre continent ?"
Note sur le livre d'or du mausolée d'Atatürk, 26 octobre 1968 :
"De toutes les gloires, Atatürk a atteint la plus grande : celle du renouveau national."
Discours à Ankara, 26 octobre 1968 :
"Les situations respectives de la Turquie et de la France leur offrent les meilleures raisons de rapprocher leur politique. Voici la Turquie, maîtresse des Détroits, entre l'Europe et l'Asie antérieure. Etendue tout au long du vaste plateau d'Anatolie, au contact de trois continents, gardienne de plusieurs des portes, par où, dans cette région de la terre, passe la paix, où peut passer la guerre. Et par conséquent, détentrice de grandes et de fécondes possibilités, mais aussi exposée aux pires éventualités. Voici la France, ouverte à la fois sur l'Atlantique, les mers du Nord et la Méditerranée. Centre d'un Occident que forme, avec elle, les pays du Rhin et du Danube, les îles britanniques, les péninsules italiennes et ibériques, à portée de tout ce qui va, vient, navigue, vole, entre l'ancien et le nouveau monde. Et pour toutes ces raisons, sollicitée de perdre, sous des pressions du dehors, sa personnalité nationale. La Turquie et la France, ainsi investies par la nature et par l'histoire de tant de responsabilités extérieures, quant au destin de tant d'hommes, les voici résolues à les porter elles-mêmes, ces responsabilités-là. Autrement dit, à maintenir leur intégrité et leur indépendance. A ne laisser personne disposer de leur sol, de leur ciel, de leurs côtes, de leurs forces, et à pratiquer avec tous autres Etats, tous rapports qui leur sont utiles. A peser de leur propre poids, à agir pour leur propre compte dans les événements et dans les règlements qui les concernent l'une et l'autre. Sans doute, du fait des conditions géographiques, stratégiques, économiques différentes, dans lesquelles elles sont placées, peuvent-elles donner des formes diverses à leurs alliances. Mais elles n'en demeurent pas moins, l'une et l'autre, par-dessus tout, résolues à maintenir leur indépendance. Et je le répète, à pratiquer les rapports qu'elles jugent bons avec tous autres Etats. N'y a-t-il pas là tout ce qu'il faut pour que vous, les Turcs, comme nous les Français, jugions que le système des blocs sous lequel nous avons vécu depuis la dernière guerre mondiale, des blocs formés autour de deux hégémonies, système qui divise actuellement l'Europe et qui s'étend sur l'Orient, doit faire place à la détente, à l'entente et à la coopération internationale ? Tout ce qu'il faut est là pour que nos deux pays accordent leurs politiques, comme en d'autres temps, vos sultans et nos souverains les ont accordées. Par exemple, Süleyman et François Ier, Selim et Napoléon, Abdul-Aziz et Napoléon III. Et comme d'instinct, votre république et la nôtre ont senti qu'il fallait le faire lorsque le gouvernement de Paris, le premier de tout l'Occident, reconnut le gouvernement d'Ankara après les terribles secousses d'où sortait la Turquie nouvelle."
Voir également : L'amitié franco-turque