Jean-Paul Roux, Un choc de religions : la longue guerre de l'islam et de la chrétienté, 622-2007, Paris, Fayard, 2007, p. 247-248 :
"La France et la Turquie, toutes deux en guerre contre la maison d'Autriche, sont alliées de fait et amenées à le devenir en droit malgré le scandale que cela soulève dans une chrétienté qui n'a pas perdu tout souvenir de la croisade et qui se sent continuellement menacée par l'islam. Cette alliance est trop visible, trop franche. Il y en avait eu, il y en aura encore d'autres, plus hypocrites, qui ne provoquèrent nulle émotion. N'était-ce pourtant pas inouï qu'un pape de la fin du XVe siècle touchât de l'argent du padichah ottoman pour retenir prisonnier son frère et rival, le fameux Djem ? Ne sera-ce pas un comble qu'Elisabeth Iere d'Angleterre (1558-1603) présente à Istanbul le catholicisme espagnol comme un polythéisme ou une idolâtrie, des doctrines ignobles aux yeux de l'islam ? Et ne parlons pas des manœuvres continuelles des villes italiennes qui poussent la Sublime Porte à attaquer leurs rivales commerciales. Dans sa franchise, l'alliance de François Ier et de Soliman le Magnifique marque, je le crois, un tournant radical dans la conception que les fidèles des deux religions se font de leurs rapports. D'une part, la Turquie, dont les plus hauts dignitaires sont en grande partie d'origine balkanique, est moins considérée comme la championne du djihad (qu'elle demeure) que comme un membre à part entière de l'Europe. D'autre part, l'intérêt national passe désormais avant celui de la religion.
C'est François Ier qui prend l'initiative du rapprochement en faisant des ouvertures à la Porte en 1535. Il en retire, outre une aide militaire dont on ne peut sous-estimer l'importance, de grands privilèges culturels et commerciaux dans l'Empire ottoman par ce qu'on a appelé les capitulations, une série de mesures favorables aux Français gracieusement accordées par les Turcs. L'action des forces militaires des deux parties contractantes ne sera pas souvent bien coordonnée, mais elle les unira parfois dans une entreprise commune. La plus célèbre est, en 1543, le siège de Nice, alors possession du duc de Savoie, le débarquement à Villefranche et l'hivernage de la flotte turque à Toulon, où d'ailleurs elle s'emploie à réorganiser la marine royale."
Voir également : Les Ottomans et l'Europe
"La France et la Turquie, toutes deux en guerre contre la maison d'Autriche, sont alliées de fait et amenées à le devenir en droit malgré le scandale que cela soulève dans une chrétienté qui n'a pas perdu tout souvenir de la croisade et qui se sent continuellement menacée par l'islam. Cette alliance est trop visible, trop franche. Il y en avait eu, il y en aura encore d'autres, plus hypocrites, qui ne provoquèrent nulle émotion. N'était-ce pourtant pas inouï qu'un pape de la fin du XVe siècle touchât de l'argent du padichah ottoman pour retenir prisonnier son frère et rival, le fameux Djem ? Ne sera-ce pas un comble qu'Elisabeth Iere d'Angleterre (1558-1603) présente à Istanbul le catholicisme espagnol comme un polythéisme ou une idolâtrie, des doctrines ignobles aux yeux de l'islam ? Et ne parlons pas des manœuvres continuelles des villes italiennes qui poussent la Sublime Porte à attaquer leurs rivales commerciales. Dans sa franchise, l'alliance de François Ier et de Soliman le Magnifique marque, je le crois, un tournant radical dans la conception que les fidèles des deux religions se font de leurs rapports. D'une part, la Turquie, dont les plus hauts dignitaires sont en grande partie d'origine balkanique, est moins considérée comme la championne du djihad (qu'elle demeure) que comme un membre à part entière de l'Europe. D'autre part, l'intérêt national passe désormais avant celui de la religion.
C'est François Ier qui prend l'initiative du rapprochement en faisant des ouvertures à la Porte en 1535. Il en retire, outre une aide militaire dont on ne peut sous-estimer l'importance, de grands privilèges culturels et commerciaux dans l'Empire ottoman par ce qu'on a appelé les capitulations, une série de mesures favorables aux Français gracieusement accordées par les Turcs. L'action des forces militaires des deux parties contractantes ne sera pas souvent bien coordonnée, mais elle les unira parfois dans une entreprise commune. La plus célèbre est, en 1543, le siège de Nice, alors possession du duc de Savoie, le débarquement à Villefranche et l'hivernage de la flotte turque à Toulon, où d'ailleurs elle s'emploie à réorganiser la marine royale."
Voir également : Les Ottomans et l'Europe