Déclaration suite au rétablissement de la Constitution, 24 juillet 1908 :
"Aujourd'hui, le gouvernement despotique a disparu. Nous sommes tous frères. Il n'y a plus désormais en Turquie ni Bulgares, ni Grecs, ni Roumains, ni Musulmans, ni Juifs : sous le même ciel bleu, nous sommes tous fiers d'être ottomans."
Lettre (en français) à une amie allemande, Trieste, 28 juillet 1911 :
"Mon bateau au lieu de partir à 8 heures a eu 2 heures de retard. On remarque déjà que nous ne sommes pas en Allemagne. Pour le moment je n'ai aucune nouvelle de mon pays. Je ne sais qu'est-ce qui se passe là-bas et quel sort nous attend. Seulement selon les journaux autrichiens les Monténégrins ont voulu intermédier entre le gouvernement ottoman et les Rebelles. Mais les nôtres n'ont pas accepté cette condition très humiliante. De l'autre coté on parle d'une entente entre le Monténégro et la Bulgarie en cas de guerre contre nous, et on finit par dire que la Roumanie prendra part pour nous. Sur cette nouvelle j'écrirai une lettre au secrétaire privé du ministre de la guerre en Roumanie, qui est un bon ami à moi et un vrai turcophile. En tout cas on ne m'appelle pas s'il n'y a quelque chose de sérieux, ce qui est affirmé par le rassemblement du 2. corps d'armée auprès de Skutari. Vous savez ce qu'il disait ce Crétois ! "Ce n'est pas une affaire entre la Turquie et le Monténégro, c'est l'Allemagne et l'Angleterre qui cherchent à se surmonter moralement l'un l'autre". Dans cette idée il y a en tout cas une chose tout à fait vraie. C'est l'Angleterre qui voit que l'Allemagne la surpasse de jour en jour et qui devient de plus en plus jalouse. Les moments passés sont perdus pour l'Angleterre et les occasions perdues tout a fait irréparables. Alors elle cherche à profiter de tout ! L'histoire de l'Angleterre est pleine d'exemples de ce genre : Pour briser Napoléon elle a fait tout, je suis sûr que pour briser l'Allemagne elle cherchera de faire tout. Seul sur le continent ses alliés ne se sentent pas assez forts pour cela. Et dans notre conversation le Crétois continue : "C'est seulement de l'appui de l'Allemagne que nous pouvons être sûrs, parce qu'elle a tant d'intérêts économiques chez nous et parce que ses intérêts ne sont pas basés sur des Territorialwünsche." Seule une forte Turquie peut garantir les intérêts allemands et en cas d'une guerre générale en Europe seule la Turquie peut aider l'Allemagne. Vous voyez, chère amie, comment pensent les Turcs ! Mais je répète j'aime les Allemands non pas par sentimentalité, mais parce qu'ils ne sont pas dangereux pour notre chère patrie ; au contraire ils sont, utiles et les intérêts des deux pays marchent et pourront marcher encore bien longtemps ensemble. Et je reviens sur mes disputes avec Hans [Humann], ce n'est pas le sentiment qui unit les nations, c'est l'intérêt. Toutes mes opinions personnelles n'ont rien à faire avec l'intérêt national ; et si l'Allemagne devait devenir par hasard un ennemi acharné des Turcs, je ne cesserais d'être votre ami très dévoué et très fidèle. Je suis facile à connaître mais je sens toujours que vous autres Européens on ne vous connait pas."
Déclaration citée dans le rapport n° 671 du 12 janvier 1914, Istanbul, S.H.A.T., 7N1638 :
"Je suis d'avis que les non-musulmans doivent comme les musulmans le service militaire. On les incorporera en nombre tel que leur effectif ne dépasse jamais le 10ème de l'effectif total de l'unité. Je sais par l'expérience de la dernière guerre qu'ils peuvent faire d'excellents soldats et j'ai vu des Ottomans de race bulgare se battre vaillamment contre leurs frères de race. Ceux qui ne seront pas incorporés pour faire leur service normal paieront la taxe d'exonération mais le taux de celle-ci ne sera pas le même pour tout le monde. Chacun paiera proportionnellement à sa fortune. Ceux que leur mauvaise constitution fera dispenser du service militaire paieront aussi. La taxe ne dispensera pas de tout service, car tout le monde doit passer sous les drapeaux pour être en mesure en temps de guerre de participer à la défense du pays. Ceux qui ne feront pas le service militaire normal seront astreints à des périodes d'instruction. Il sera possible de réduire pour certains dont l'instruction militaire sera jugée nécessaire, la durée du service actif. Mais ceux-là aussi paieront une taxe proportionnellement au temps du service actif qu'ils n'auront pas effectué."
Déclaration citée dans le rapport n° 682 du 28 janvier 1914, Istanbul, S.H.A.T., 7N1638 :
"Mon but est de créer une armée petite, mais forte pour conserver notre pays contre nos petits voisins qui ne pensent pas à se rassasier."
Lettre à Cemal Paşa, décembre 1919 :
"Notre ami bolchevik [Karl Radek] est sorti de prison. Nous devions prendre l'avion ensemble. Mais ayant reçu l'autorisation de passer par la Pologne, il a finalement opté pour cette route. Moi, je prendrai l'avion en compagnie du docteur [Nazım]. Ici, nos amis bolcheviks acceptent de nous aider dans le cadre des idées débattues au cours de nos entretiens. Pour l'instant, voici ma position dans ses grandes lignes :
1 - Libérer les nations musulmanes.
2 - Etant donné que le capitalisme impérialiste constitue notre ennemi commun, collaborer avec les socialistes.
3 - Adhérer au socialisme, à condition de l'adapter aux doctrines religieuses qui régissent le fonctionnement interne des pays musulmans.
4 - Pour la libération de l'Islam, employer tous les moyens possibles de pression, y compris la révolution.
5 - En cette matière, collaborer aussi avec les nations asservies non musulmanes.
6 - Permettre, à l'intérieur de la communauté islamique, l'essor de toutes les couches sociales.
C'est tout pour l'instant. Par la suite, il faudra agir en fonction de l'évolution de la situation."
Lettre à Cemal Paşa, 20 août 1920 :
"Je vais mettre sur pied l'organisation des sociétés révolutionnaires islamiques. Je vais faire venir les représentants de l'organisation qui se trouvent actuellement à Berlin. Je compte donner à la chose une tournure militaire. C'est-à-dire que je voudrais constituer des bataillons musulmans qui pourraient, au printemps, venir à notre secours sur les fronts anatoliens."
Lettre à Mustafa Kemal, 26 août 1920 :
"Je suis venu ici [à Moscou] en vue de créer une organisation islamique susceptible de venir en aide à notre pays. Les dirigeants soviétiques que j'ai rencontrés approuvent mes projets. En principe, les Russes acceptent de soutenir les mouvements révolutionnaires dirigés contre l'Angleterre, même si ces mouvements se situent en dehors du communisme. (...) Alors que nous nous trouvions à Berlin, nous avions remarqué parmi les musulmans certains mouvements hostiles à l'Entente. Ces mouvements étant inorganisés et manquant de soutien financier, nous avons décidé, après en avoir parlé entre amis, de les rassembler. Nous sommes entrés en contact avec les représentants de divers pays musulmans, et notamment avec le représentant de l'Inde, Mehmed Ali. A la suite de ces entretiens, il a été admis que la direction du mouvement se ferait à partir d'un centre unique, et nous avons créé une association composée de délégués de tous les pays. Par la suite, j'ai pensé que le travail serait plus fructueux s'il était conduit depuis la Russie. A mon arrivée à Moscou j'en ai donc parlé au commissaire aux Affaires étrangères, qui a accepté ma proposition. En conséquence, j'ai écrit aux membres de l'association de se transporter ici."
Déclaration lue au Congrès des peuples de l'Orient, Bakou, septembre 1920 :
"Ce n'est pas seulement le désir de trouver un appui qui nous entraîne vers la IIIe Internationale, mais peut-être aussi les liens étroits qui unissent ses principes aux nôtres. C'est dans le peuple, chez les éléments opprimés du peuple, c'est-à-dire dans la classe paysanne que nous avons puisé de tout temps notre force révolutionnaire. Si nos ouvriers de fabriques représentaient une force, j'en aurais fait mention en premier lieu, car ils étaient, eux aussi, avec nous. Ils ont collaboré à notre action avec abnégation et dévouement. Et maintenant encore ils continuent à nous soutenir. Nous nous sommes donc toujours appuyés sur la partie opprimée du peuple. Nous ressentons ses douleurs, nous vivons avec elle et c'est avec elle que nous mourrons. Camarades, nous insistons, au nom du peuple, sur le droit de ce dernier à disposer lui-même de son avenir politique. Nous nous croyons liés étroitement, pour toute la vie, à tous ceux qui veulent vivre avec nous ; et nous voulons laisser s'organiser eux-mêmes tous ceux qui ne veulent pas vivre avec nous. Tel est notre point de vue sur à la question nationale. Camarades, nous sommes contre la guerre, c'est-à-dire que nous ne voulons pas que les hommes s'entre-déchirent dans l'intérêt du pouvoir. Et pour établir enfin le règne de la paix sur la terre, nous nous nous rangeons du côté de la IIIe Internationale et continuons encore, à l'heure qu'il est, en dépit de tous les obstacles, à soutenir une lutte des plus sanglantes. Camarades, nous voulons le bonheur des travailleurs. Nous voulons que nul homme, indigène ou étranger, ne jouisse des fruits du travail d'autrui. A cet égard, il convient d'agir sans ménagements. Nous voulons que notre pays jouisse des fruits du travail commun, en développant largement son agriculture et son industrie. Telle est notre opinion sur la question économique. Camarades, nous sommes persuadés que seul un peuple conscient peut conquérir la liberté et le bonheur. Nous voulons qu'un savoir véritable, uni au travail, pour nous assurer une liberté vraie, éclaire et instruise notre pays. Et, sous ce rapport, nous ne faisons pas de différence entre les sexes. Tel est notre point de vue sur la politique sociale."
Lettre à son oncle Halil Paşa, 4 novembre 1920 :
"L'ancien Empire ottoman doit être maintenu sous la forme d'une confédération (...) Pour obtenir la réalisation de ce désir, il sera nécessaire, au printemps, de passer en Anatolie avec des troupes. Les Russes voudront-ils placer sous mon commandement exclusif quelques divisions de cavalerie, prêtes pour le printemps ? Ou bien accepteront-ils que nous les formions nous-mêmes ? Bien entendu, ces divisions doivent être constituées de musulmans. Si je suis autorisé à passer en Anatolie avec de telles troupes, je me rendrai à Moscou en personne, et c'est de là que je prendrai mon départ. Mais si cela s'avère impossible comme par le passé, ou s'ils sont d'avis d'envoyer des forces sous commandement russe, je me rendrai en Anatolie à partir d'ici [Berlin] et je me mêlerai aux compagnons qui seraient prêts à travailler sous mes ordres."
Voir également : Enver Paşa (Enver Pacha) et les Arméniens